Quand le pianiste Iddo Bar-Shaï a visité les Grandes Écuries royales du château de Chantilly, il a eu un coup de cœur. Sur le conseil du prince Aga Khan, il a gardé l’expression pour inviter les plus grands. Ainsi sont nés les Coups de Cœur à Chantilly.

Martha Argerich et Stephen Kovacevich,  Coups de coeur à Chantilly. Crédit Photo : Arnaud kientz.

Fidèle parmi les fidèles, Martha Argerich est venue pour la quatrième fois dans ce lieu fabuleux où l’acoustique est une divine surprise, et où l’odeur du crottin apporte un charme supplémentaire. Parfois, un coup de sabot enrichit la partition et il n’est pas défendu de hennir entre deux mouvements. « Ai-je joué comme un cheval fou ou comme un petit cochon ? » disait la pianiste au temps de sa jeunesse turbulente. Il est donc naturel qu’elle vienne donner Le Carnaval des animaux de Saint-Saëns avec ses petits-enfants se relayant au deuxième piano et sa fille Annie Dutoit en récitante.

Quand la pianiste se déplace, c’est toujours avec sa tribu. La veille, la violoniste Alissa Margulis, fille de son grand ami disparu Vitaly Margulis, l’altiste Lyda Chen Argerich, sa fille aînée, et le violoncelliste Edgar Moreau nous ont donné un remarquable Trio D 471 de Schubert. Le premier moment de grâce de la soirée est venu avec Beau Soir de Debussy, transcrit par Heifetz, avec Edgar Moreau et Iddo Bar-Shaï. Interprétation subtile et charnelle. Tout d’un coup, le sommet du voyage. Martha Argerich et Stephen Kovacevich nous ont offert un hallucinant En blanc et noir de Debussy sur deux très beaux pianos Kawaï. Ce sombre chef-d’œuvre écrit pendant la Grande Guerre et peu avant la mort du compositeur reste un mystère de sensualité sonore. Les « amants terribles » le jouent depuis un demi-siècle. Toujours avec le même émerveillement enfantin et la même recherche aventureuse de sonorités inouïes. Précieux moment ! La chanteuse Tehila Nini Goldstein a poursuivi avec des mélodies hébraïques. Et le violoniste tsigane Geza Hosszu-Legocky a fermé le ban avec des airs juifs joués avec un naturel époustouflant et trois mélodies de Kreisler dont le fameux Liebesleid caressé avec une longueur d’archet infinie et un son soyeux auquel répondait le cristal du piano de Martha Argerich. Hommage émouvant à Ivry Gitlis qui a joué ce Chagrin d’amour jusqu’à son dernier jour avec une liberté inspirante.

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Dôme des Grandes Écuries de Chantilly, vendredi 22 septembre.