Le vainqueur du Concours Chopin de Varsovie 2021 projette de s’installer en Europe. Partons à sa rencontre.

Bruce Xiaoyu Liu © SDP
Comment avez-vous vécu cette compétition ?
Franchement, je ne m’attendais pas du tout à remporter le premier prix et j’aurais été déjà très heureux d’accéder à la finale. Bien sûr, mon programme était bien préparé, mais je n’ai pas le mental d’un cheval de course. Je suis resté dans ma bulle, écoutant peu les autres candidats (juste un peu sur YouTube) et m’intéressant surtout au public. Quand c’était à moi de jouer, j’ai tout fait pour chercher des nouvelles choses jusqu’au dernier moment et pousser mes limites au maximum. Juste après le concours, j’ai joué le Concerto en mi mineur sept fois en dix jours. En ce moment, je suis en quarantaine au Japon et je commence à peine à décompresser, mais je ne pourrai me reposer et rentrer chez moi qu’en décembre. D’ailleurs, je songe à m’installer en Europe dans l’avenir.
Quel est votre rapport avec Chopin ?
Nous avons tous une vision objective de Chopin, et puis chacun nourrit une relation personnelle avec lui car sa musique agit comme un miroir de nos sentiments. Le sentiment commun est qu’il s’agit d’un grand poète nostalgique de son pays, rongé par la maladie, triste et révolté. Personnellement, je suis quelqu’un d’ouvert et d’optimiste, mais il y a un danger à mettre trop de soi-même. J’ai également découvert que Chopin avait beaucoup d’humour… C’est ce qu’il y a de merveilleux avec l’art classique, notre vision des chefs-d’œuvre est toujours en mouvement, jamais figée.
Vous êtes né à Paris, résidez à Montréal etvos parents sont chinois. Comment vivez-vous toutes vos identités ?
Je parle les trois langues. Ma mère vit à Paris, mes grands–parents à Pékin. Cela m’a donné une ouverture d’esprit. En même temps, je suis Taureau donc têtu et attaché à mes racines. Plus jeune, j’admirais la perfection d’un Perahia. Petit à petit, j’ai découvert l’art oratoire des pianistes anciens et je me suis mis à aimer Cortot ou Samson François. J’ai aussi une passion pour la versatilité d’un Michelangeli, avec qui je partage une passion pour la course automobile. J’ai commencé le piano assez tard (8-9 ans), j’avais beaucoup de passe-temps : je nageais, je jouais aux échecs, je regardais les films de Chaplin ou de Visconti. Cette diversité a nourri mon regard sur le monde.