À quelques encablures de la pointe du Raz et de la baie d’Audierne dans le Finistère Sud, la petite cité de Pont-Croix accueille pendant une semaine de juillet de jeunes musiciens résidant ou ayant résidé à la Fondation Singer-Polignac. Maître de céans, Yves Petit de Voize, grand ordonnateur de cette manifestation et de cette huitième édition, décline une programmation originale allant du baroque au contemporain.

Faisant halte dans la superbe Collégiale Notre-Dame de Roscudon, le pianiste Adam Laloum a démontré sa capacité à maîtriser le temps et à construire organiquement une grande arche dans un geste d’une poésie supérieure. Très architecturée, la Sonate « Funèbre » de Chopin alterne affrontement et déambulation proche de l’abîme sans jamais perdre de vue la magie sonore qui s’exprime encore davantage dans les Valses nobles et sentimentales de Ravel où contrastent fluidité, sveltesse et mystère de l’instant.

Après l’entracte, la Valse en la bémol majeur op. 38 de Scriabine, délivrée du poids de la glèbe, s’élève sur des hauteurs vertigineuses après des cascades d’octaves transcendées par une technique assurée qui semble libérée des contraintes. La Sonate de Berg (1909), lyrique à souhait, atteint in fine une rayonnante sérénité après un paroxysme où la fébrilité le dispute au contrôle de tous les paramètres.

Crédit photo : Claude Doaré

Avec les Davidsbündlertänze de Schumann, Adam Laloum, en magicien des sons, pénètre au tréfonds de l’âme, communiquant à ces dix-huit miniatures une unité de ton et une dimension orchestrale qui va chercher dans les basses du clavier une puissance frémissante quasi brahmsienne. Pour répondre à la demande pressante d’un public venu nombreux, l’Intermezzo op. 117 n° 1 de Brahms, donné en bis, vient clore en apesanteur ce récital d’une profondeur et d’une élévation d’esprit peu communes.

Festival de Pont-Croix, 16 juillet 2022