Les solistes de l’Orchestre de Paris livrent un panorama des pièces emblématiques de l’école française des vents. Une belle promenade.
Le label Indésens défend les compositeurs français, de Marais à Escaich, connus ou tombés aux oubliettes, avec une constance et une rigueur qui forcent l’admiration. Il présente en effet un patrimoine musical national riche d’œuvres trop souvent négligées. Le rappelle le présent programme, admirablement défendu par les vents de l’Orchestre de Paris qui s’inscrivent dans le sillage de leurs prédécesseurs de la Société des concerts du Conservatoire: en attestent la flûte très vibrée de Vincent Lucas, le hautbois bien timbré et clair d’Alexandre Gattet ou bien le cor agile mais franc d’André Cazalet. Et comme pour assurer une continuité, la plupart de ces artistes enseignent en conservatoire. Ils connaissent bien ce répertoire, souvent à l’affiche des concours internationaux et d’orchestre. Aussi recommandera-t-on chaleureusement l’écoute de ce disque aux étudiants!
De Chabrier à Tansman
En complément de l’éclatante version de François Leleux (« Bienvenue en France », Warner Classics, 2020, Classica n° 227), Alexandre Gattet livre une Fantaisie Pastorale de Bozza bien dosée, d’une touchante nostalgie dans la partie centrale. André Cazalet se distingue aussi dans le Larghetto de Chabrier, où sa sonorité d’une délicatesse divine rayonne autant qu’un sens du legato irrésistible. Tout aussi impeccables, Philippe Berrod et Vincent Lucas nous font (re)découvrir avec beaucoup d’esprit les œuvres de Messager (Solo de concours pour clarinette) et de Taffanel (Andante pastoral et Scherzettino), méconnu du grand public mais redouté des flûtistes pour ses exercices journaliers.
Elles ne sauraient cependant faire de l’ombre à la Sonate op. 71 pour basson et piano (1919) de Charles Koechlin. Elle s’impose en effet par son sens aigu des couleurs et des dynamiques comme par son écriture. Impressionniste sans être mielleuse, légère, jamais vulgaire et d’une grande finesse, elle trouve son apogée dans le magnifique Nocturne central, qui prend la forme d’une barcarolle laissant s’envoler le basson qui atteint les cimes avant de redescendre dans un finale qui mêle habilement insouciance et mélancolie. Marc Trénel en restitue merveilleusement toute la poésie.
Les œuvres pour plusieurs instruments ne sont pas en reste. Si les deux exercices de style ancien, une Sarabande et un Menuet, de Vincent d’Indy, bien qu’interprétés avec beaucoup de grâce, manquent de relief, la très humoristique Heure du berger de Jean Françaix et la Danse de la sorcière de Tansman réservent de grands bonheurs. Signalons enfin la prise de son splendide, généreuse et légèrement réverbérée d’Erwan Boulay qui met si bien en valeur le talent et la sonorité des artistes.

« Les solistes de l’Orchestre de Paris »
Œuvres de Roussel,
Koechlin, Taffanel, d’Indy,
Messager, Françaix,
Chabrier, Bozza et Tansman
Vincent Lucas (flûte),
Alexandre Gattet (hautbois),
Philippe Berrod (clarinette),
Marc Trénel (basson),
André Cazalet (cor) et
Laurent Wagschal (piano)
Indésens INDE142. 2020. 1 h03
Crédits photos : Jean-Baptiste Millot (photo de Laurent Wagschal) et Unidivers (autres photos des solistes).