Antonini fait honneur à la fameuse Symphonie n° 45 d’Haydn, idéalement enveloppée par les Symphonies nos 15 et 35 et la Scena di Berenice.

« L’addio ».
Symphonies nos 15, 35 et n° 45 « Les Adieux ».
Scena di Berenice
Sandrine Piau (soprano),
Il Giardino Armonico,
dir. Giovanni Antonini
Alpha 684. 2018. 1 h 18

Comme son immédiat prédécesseur, ce volume 9 de la série Haydn 2032 est des plus réussis : il installe en effet quatre œuvres au sommet de la discographie, concurrence très réduite à un tel niveau. La Symphonie n° 35, la seule dont l’autographe soit daté au jour près (1er décembre 1767), salue le retour du prince de Paris. Flamboyante avec ses cors alto, tour à tour bien rythmée et linéaire, elle bénéficie d’une interprétation de haut vol faisant de son Allegro di molto initial une cavalcade irrésistible. Tempo et phrasé judicieux pour l’Andante qui suit. Antonini parvient dans cette N° 35 à surclasser Trevor Pinnock (Archiv, 1989).

Comme un rêve

Il interprète de façon très personnelle la célèbre N° 45 « Les Adieux » (1772). L’épisode inattendu en ré majeur de son Allegro assai introductif, quelque peu en retrait, agit comme un rêve, l’objectif à atteindre, quel que soit le « programme », est encore hors de portée. Mais sont ensuite assénés, pour conclure le mouvement, de véritables coups de boutoir. Après l’Adagio en demi-teintes, le Menuet (assez rapide) est enfin une très concrète irruption du réel.

La fin de l’ouvrage se perd comme jamais dans le silence. Une priorité. Dans la première moitié de la Scena di Berenice (1795), les tonalités se succèdent de façon kaléidoscopique. Globalement, on va de ré majeur à fa mineur. Sandrine Piau chante avec puissance et dramatisme, l’orchestre lui donnant la réplique dans le même registre, portant, de nouveau, un soudain coup de boutoir avec la plongée, au bout de seulement quelques mesures, en si bémol majeur. Bérénice est une amante en furie, alors qu’avec Lea Desandre (Aparté, 2017, Classica n° 203) on percevait la femme blessée.

Deux versions splendides et indispensables. De l’accord final fortement asséné de Berenice surgit discrètement l’épisode Adagio ouvrant la Symphonie n° 15 (1760-1761), une des deux dernières « pré-Eisenstadt ». Trente-cinq ans d’écart mais aucune rupture, grâce à Haydn et à un CD bien agencé.