La mise en scène de Laurent Pelly étoile l’Opéra de Lille. Poésie shakespearienne et comédie délicieuse s’unissent sur un plateau à l’équilibre vocal parfait. Une merveille !
Chaque œuvre trouve un jour sa production emblématique parce qu’en phase avec l’époque. Le Songe d’une nuit d’été de Britten – à peine 62 ans d’âge – en avait trouvé deux : celle de Peter Hall, cantonnée à Glyndebourne, de 1981 à 2016, forêt naturaliste sur miroirs noirs parcourue de costumes élisabéthains, et celle de Robert Carsen à Aix, de 1991 à 2015, reprise un peu partout en Europe, avec ses lits et oreillers aux verts crus et son ciel bleu profond, d’une modernité teintée de psychanalyse. Magiques toutes deux, et loin d’être démodées. Jamais deux sans trois ? Assurément. Car l’Opéra de Lille en offre comme une synthèse, marquante.
Laurent Pelly, suivant le principe « mieux vaut laisser deviner que montrer », a osé la nuit noire et profonde d’une scène vide, fond et sol en miroirs encore, espace parcouru d’étoiles. De fait, sa forêt devient univers, son théâtre magie communicative, par le jeu de la lumière sous toutes ses formes, petits lumignons donnant aux visages des elfes une irréalité tangible, poursuites soulignant leur roi et reine, qui volent littéralement dans les airs, tandis que les émois amoureux restent au sol, sous des éclairages lunaires, sans rien perdre de leur agitato dynamique, et que la rusticité des artisans, joyeuse et délirante comme il se doit, vient compléter de façon hilarante le tableau des confrontations shakespeariennes d’une nuit de folie. Totale réussite !

Crédit photo : Simon Gosselin
En réponse parfaite, la fosse, avec Guillaume Tourniaire et l’Orchestre national de Lille subjugué, rend grâce aux transparences, aux sonorités irréelles, à l’inventivité poétique de Britten, sans jamais oublier ce qu’atmosphère et rythme théâtral veulent dire. Le plateau brille, lui aussi, de mille feux. Nils Wanderer, Oberon impressionnant, aussi tranchant qu’enjôleur, est d’une virtuosité absolue. Marie-Eve Munger (le Rossignol des Oiseaux à Strasbourg) campe une Tytania aux aigus transcendants tandis que les amants (David Portillo, Charles Rice, Antoinette Dennefeld et Louise Kemény) composent un quatuor parfait d’équilibre vocal comme de théâtralité enlevée. Le Bottom irrésistible de Dominic Barberi, magnifique, catalyse la loufoquerie des artisans (Gwilym Bowen, David Ireland, Thibault de Damas, Dean Power, Kamil Ben Hsaïn Lachiri), tous drolatiques à souhait. Les elfes, membres du Jeune Chœur des Hauts de France, sont d’absolus délices, et le Puck bondissant de l’impressionnante comédienne suisse Charlotte Dumartheray, est une vraie sensation. Vite, une reprise, c’était trop merveilleux !