Après une magnifique Missa Solemnis captée en 1985 (Classica n° 227), Orfeo se plonge de nouveau dans les archives de l’ORF et révèle un inédit de Michael Gielen, issu d’un concert du 8 juin 1990 au Konzerthaus, à Vienne. Le maître du suspense instrumental, qui n’a pas écarté Waldmärchen, ne fait qu’une bouchée de ces soixante minutes de musique narrative aux mille variations de climat. Le geste cursif et acéré, sans la moindre chute de tension là où beaucoup s’égarent dans un buisson ou s’aventurent dans un cul-de-sac à flanc de falaise, le chef autrichien livre un authentique conte morbide où planent des spectres – le tuba, même fragile, évoque d’emblée les dangers de la forêt médiévale, extraordinairement dépeints à 22’34 du premier volet.
Dans cette cantate de jeunesse où s’affirme déjà tout l’univers mahlérien, les choeurs nous tiennent suspendus à leurs interventions, face à des solistes contrastés. On a connu David Rendall plus stable et plus précis, mais le soprano de Brigitte Poschner-Klebel distille de sombres mystères, tandis que Manfred Hemm est d’une stature wagnérienne et que Marjana Lipovšek reste la seule mezzo qui puisse sérieusement concurrencer Brigitte Fassbaender dans la version de Chailly (Decca, 1989), au sommet de la discographie aux côtés de celles de Boulez (Sony, 1970), Rattle (Warner, 1983-1984) et Tilson Thomas (RCA, 1996).

Gustav Mahler (1860-1911)
Das klagende Lied
Brigitte Poschner-Klebel (soprano),
Marjana Lipovšek (mezzo-soprano),
David Rendall (ténor),
Manfred Hemm (baryton),
Wiener Singakademie,
Orchestre symphonique de la Radio ORF de Vienne,
dir. Michael Gielen
Orfeo C210021. 1990. 1 h 02