Si Turner avait déjà été enregistré par Louis de Froment (Phoenix) et le concerto 103 regards dans l’eau par Patrice Fontanarosa sous la baguette du compositeur (Cybelia), ces disques n’étaient plus disponibles au catalogue. On saluera donc avec enthousiasme cette nouveauté. Anthony Korf nous rappelle dans la notice l’enfance roumaine de Marius Constant avant son installation définitive à Paris. Le chef d’orchestre et créateur de l’ensemble Ars Nova se voulait le promoteur de la musique de son temps ; le compositeur, lui, s’est construit contre l’avantgarde sérielle, ainsi qu’en témoignent ces trois partitions raffinées, de facture très française : Turner le montre en maître saucier des timbres, dont les différentes combinaisons entrent en résonance avec la palette du peintre. Au gré d’une labilité extraordinaire du discours, les masses les plus dissonantes se délitent progressivement, laissant un solo de flûte percer soudain à travers la bruissante grisaille des cordes.
Brevissima évoque les Métaboles de Dutilleux dans cette volonté de fusionner différents mouvements en une forme brève, mais Constant possède un lyrisme bien à lui, sans doute plus perceptible dans 103 regards dans l’eau. Jamais noyé par un Riverside Symphony diligemment conduit par George Rothman, le violon d’Olivier Charlier illumine cette versicolore ramification de motifs, sans cesse revivifiée par une sève invisible.

Marius Constant (1925-2004)
Turner. Brevissima.
103 regards dans l’eau
Olivier Charlier (violon), Riverside Symphony,
dir. George Rothman
Divine Art DDA 25216. 2001-2006. 53’