Après un album de transcriptions consacré à Liszt, Schumann et Schönberg, le Trio Karénine associe, dans son dernier enregistrement, une œuvre emblématique de Dvořák à celles de son compatriote et élève Josef Suk. 

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Bravo au Trio Karénine qui, en quelques mesures à peine, nous aura rendu captifs de sa vision enfiévrée du Trio de Suk ! Il faut voir avec quelle ardeur Charlotte Juillard au violon et Louis Rodde au violoncelle empoignent leur partie dans le premier mouvement ! Cela vibre et cela déclame avec une intensité tragique sans qu’aucun débordement ne menace l’équilibre parfait des voix. Fluide, sensuel et faussement insouciant, le mouvement de habanera qui anime l’Andante possède toute l’ambiguïté requise avant une danse slave finale enlevée énergiquement mais où rien ne manque des doutes existentiels qui apparaissent en filigrane. Cette approche aussi frontale que réfléchie précède une Élégie du même compositeur que les trois musiciens abordent avec autant de chaleur que de conviction.

On sera légèrement moins convaincu par ce Trio n° 3 de Dvořák enténébré jusque dans ses pages lumineuses, traité un peu uniment à la manière d’un requiem chambriste. Ainsi, l’Allegretto perd-il son grazioso au profit d’un piétinement à notre sens un brin plombé. Refusant dans le Poco Adagio d’écraser sous l’écho répété d’un glas trop pesant les cordes dont il faut louer le lyrisme déchirant, Paloma Kouider égraine les accords de sa marche funèbre avec pudeur, préparant ainsi l’auditeur à un finale teinté d’une opacité toute brahmsienne. D’ailleurs Brahms leur irait très bien…

Trio Karénine
Dvořák : Trio pour piano n° 3
Suk : Trio pour piano. Élégie
Mirare MIR646