C’est dans l’acoustique idéale de la salle Gaveau que le Trio Gidon Kremer donnait, ce lundi 5 juin, un concert en hommage à l’Ukraine.

Ouvrant un programme dont il a le secret, c’est seul sur scène qu’apparut le grand violoniste dans un Requiem « dédié à la souffrance sans fin de l’Ukraine » signé du compositeur géorgien Igor Loboda (2014). Dans cette page hautement descriptive de la désolation, secouée d’élans déchirants, Gidon Kremer démontrait à 76 ans une fraîcheur d’esprit et une soif de découverte intactes, livrant les timbres soyeux de son précieux Amati. Suivirent deux pages de l’Ukrainienne Victoria Vita Polevá : Gulfstream (2010), un duo pour violon et violoncelle basé sur un prélude de Bach, puis Amapola (2022), un trio dédié à Kremer en forme de prière. Et c’est par Hommage à J.S.B. pour violon et piano de Valentin Silvestrov que s’achevait le volet contemporain du concert.

Aisance et liberté du jeune pianiste Osokins

Le jeune pianiste letton Georgijs Osokins, sensation du Concours Chopin en 2015, révélait ensuite une nette identité dans la Chaconne de Bach transcrite par Busoni. Fort d’une sonorité riche et d’un geste hautement romantique, fuyant toute rigidité métrique, le jeune protégé de Kremer affichait un farouche goût d’indépendance, notamment par quelques libertés de phrasés, en s’inscrivant dans la pure lignée des virtuoses du XIXe siècle. Le tout avec l’aisance de celui qui improvise et une volonté manifeste de désacraliser le texte.

Trio Gidon Kremer à la salle Gaveau
Crédit photo : Jean-Michel Molkhou

Un Rachmaninov équilibré et lyrique

En seconde partie, vint le très attendu Trio n° 2 de Rachmaninov. Dans une vision très inspirée, à l’équilibre minutieusement élaboré entre cordes et clavier, la violoncelliste Giedré Dirvanauskaité y démontra souplesse et sensualité par un chant à l’intonation immaculée. Sans retrouver toute sa puissance sonore d’antan, Gidon Kremer fit état d’un remarquable niveau de maîtrise comme de concentration, face à un pianiste à l’ardeur juvénile mais jamais trop dominant. Par la dignité et la juste noirceur du ton, comme par un pathétisme mesuré effaçant les quelques longueurs de cette vaste fresque, le lyrisme des trois interprètes sut tenir le public en haleine et leur assurer un vif succès.

Paris, 5 juin 2023

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