Pour comprendre l’oeuvre de Toru Takemitsu, il faut en saisir le contexte historique. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il est âgé de quinze ans à peine et que son pays s’ouvre à la culture occidentale, le compositeur japonais découvre Debussy, Messiaen et Schoenberg. Suite à ce choc esthétique, il se prendra plus particulièrement de passion pour l’école française et s’emploiera à conjuguer, sa vie durant, l’héritage de la musique traditionnelle japonaise avec les nouvelles formes de la musique occidentale, aspirant à une forme d’universalisme.
La façon de glisser la main gauche sur le manche rattache Flavio Nati aux écoles latines, et sa sonorité ronde et chaleureuse fait ressortir la plénitude des harmonies, la volupté des textures, la luminosité des couleurs – on y décèle Debussy. Ce lyrisme tendre situe cette lecture aux antipodes de celle de Shin-Ichi Fukuda, tranchante et nippone jusqu’au bout des ongles, qui accentue les contrastes de timbres, chantant des mélodies brumeuses, brisant les silences par des timbres durs rappelant le koto, sorte de cithare japonaise (Naxos, 2012, Classica n° 163). Sous les doigts de Flavio Nati, l’éloge de la lenteur se fait sensuel, laissant couler les flux et les reflux avec poésie. Le temps suspend son vol.

Toru Takemitsu (1930-1996)
Œuvres complètes et transcriptions
pour guitare seule
Flavio Nati (guitare)
Stradivarius STR 37150. 2020. 1 h 19