Des circonstances exceptionnelles appellent des solutions inédites. L’incendie de l’Alcázar de Madrid, qui a détruit, dans la nuit de Noël 1734, quantité de partitions musicales, a incité le compositeur Francesco Corselli (1705-1778) à réinventer l’histoire musicale de l’Espagne, principalement celle dévolue à la liturgie quotidienne, des simples solos accompagnés aux oeuvres polychorales à grand effectif instrumental. Cet enregistrement brosse un panorama remarquable des pièces vocales les plus représentatives de cette renaissance, ainsi que des pages instrumentales.
Très intéressante composition, la Lamentación segunda del Jueves Santo de Corselli mêle le violoncelle de Carlos Montesinos à la soprano María Espada. L’alchimie opère dans un style baroque tardif très expressif, tout comme fonctionne superbement le jeu concertant du hautbois de Rodrigo Gutiérrez et de la voix dans la Cantada al Santísimo. Autre représentant de cette renaissance forcée, Domenico Porretti (1709-1783), habile au clavier et violoncelliste virtuose, compose peu pour l’orchestre. Cette rare Ouverture en ré majeur est défendue avec un raffinement un peu distancié par le chef Javier Ulises Illán. Enfin, la Lamentation de José Lidón (1748- 1827), très mozartienne dans l’emploi des vents, est intelligemment défendue par María Espada. Le seul bémol, pour l’ensemble du disque, est cette direction assez neutre qui ne semble pas consciente de la nouveauté du langage, en émousse les contours et les possibilités dynamiques, et la rend parfois banale.

Musique sacrée après
le Grand Incendie de 1734
María Espada (soprano),
Nereydas, dir. Javier Ulises Illán
Pan Classics 10427. 2020. 1 h 13