La voix était longue, ductile, avec une palette sombre derrière la lumière du timbre, harmoniques profondes mais mots toujours clairs, un certain idéal du soprano Strauss.

Térésa Zylis-Gara
Glyndebourne qui lui ouvrit au début des années soixante les portes de la carrière internationale lui demanda Octavian qu’elle avait étrenné deux ans auparavant à Dortmund, face à la Rési d’Elisabeth Grümmer, Rudolf Kempe l’y entendant la réservera pour le Compositeur de son Ariane dresdoise. Mais le feu de son chant, comme sa discipline, iraient naturellement aux héroïnes mozartiennes, Elvira pour Glyndebourne, Fiordiligi souvent, et la Comtesse des Noces où sa voix se parait d’une nostalgie venue d’ailleurs.
Née polonaise, Teresa Zylis-Gara infusait dans son chant parfait une nuance expressive que les sopranos Mozart d’alors ignoraient. Sa Pamina miraculeuse, avec quelque chose de la ligne et de l’émotion de Seefried mais d’un grain opposé, mit le Metropolitan à ses pieds, Rudolf Bing en fera l’une de ses sopranos favorites, se souvenant qu’à ses débuts de Cracovie elle avait certes chanté Halka, mais aussi Butterfly.
Une voix toujours plus grande et toujours aussi parfaite.
Les voyelles généreuses de l’italien élançaient sa voix. Elle tenait le contre ut de l’air d’Amelia au gibet avec une facilité qu’on ne croyait pas possible, Cerquetti elle-même s’y éraillant. Verdi pour la ligne, la Léonore du Trouvère, Violetta même (elle avait la colorature !), mais surtout Desdemona où dans le duo elle rivalisait en couleurs fauves avec Vickers lui-même (Orange 1975). Mais l’abondance du timbre, son opulence harmonique donnèrent un nouveau visage à Cio Cio San, à Suor Angelica, à Floria Tosca même. Et si Puccini, plus que Verdi, avait été son paradis ? Elle y persévéra ajoutant Manon Lescaut, Liu, Mimi. Bing la poussa jusqu’aux blondes wagnériennes. Elle pouvait tout chanter à mesure que les années passaient, voix toujours plus grande et toujours aussi parfaite.
L’artiste était gourmande de répertoire, comme les polonais instruits de sa génération elle parlait, et chantait, un français exemplaire. Armin Jordan, qui savait quelle Manon elle était (cherchez son live à Chicago face à Alfredo Kraus, deux stylistes !), osa lui demander en quelque sorte l’inverse : la Guenièvre du Roi Arthus que Chausson avait écrit pour Jan Pasquot d’Assy, une mezzo ; elle n’hésita pas un instant. Ce sera l’un de ses rares disques, avec le Compositeur, Donna Elvira pour Böhm (et live pour Karajan), les mélodies de Chopin, quelques albums plus tardifs pour des labels discrets mais amoureux de cette voix d’or pur qui cachait une femme délicieuse à l’éternel sourire. Elle nous manque déjà.