Rares sont les pianistes s’aventurant dans les oeuvres pour piano seul de Tchaïkovski, mais Vadym Kholodenko ne craint guère la densité de ces pages quasi orchestrales. Le pianiste au jeu sensible et dépouillé, déjà affirmé dans Prokofiev et Scriabine, appréhende avec imagination le romantisme de Tchaïkovski et de ses deux sonates achevées. La rare Sonate op. 80 ne connaît qu’une modeste discographie où se distingue la version de Gilels (Melodiya, 1962), véritable démonstration de lyrisme slave. Kholodenko s’éloigne de cette ampleur expressive pour insuffler noirceur et tension dramatique dès les accords péremptoires de l’ouverture, sans jamais frôler la dureté à laquelle certains n’ont pu échapper. La maîtrise des couleurs et des sonorités, translucides, fragiles et parfois assombries, fascine dans l’Andante, curieux assemblage de berceuse, de mazurka et de fioritures mis à nu par une économie de pédale.
L’interprétation de la Grande Sonate op. 37 se montre également originale, éclairant des jeux de rythme et de contrepoint qui dévoilent un visage peu commun du compositeur. Si Pletnev (Melodiya, 1987) et Primakov (Bridge, 2008) brillent davantage, Kholodenko convainc par sa palette de couleurs et son discours singulier, lesquels savent aussi s’adoucir devant la simplicité charmante des deux miniatures concluant cet enregistrement exemplaire.

Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893)
Sonates pour piano op. 37 et 80.
Troika. Romance
Vadym Kholodenko (piano)
Harmonia Mundi HMM 902656. 2019. 1 h 15