Associant Nuit Persane au couple Nuits d’été et Shéhérazade, Marie-Nicole Lemieux au sommet de son art donne mille et une leçon de mélodie.

Marie Nicole Lemieux

Mélodies de Berlioz, Ravel et Saint-Saëns
Orchestre philharmonique de Monte-Carlo
dir. Kazuki Yamada

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Couplage réputé traditionnel au disque, l’association des Nuits d’été et de Shéhérazade n’a pourtant pas été illustrée par tant d’artistes que cela, mais quelles (!) : Régine Crespin, Janet Baker, Jessye Norman, Bernarda Fink… En revanche, si l’on considère l’ensemble des versions de chaque cycle, la discographie devient vertigineuse, tant en nombre qu’en qualité. Outre les quatre dames précitées, il faut alors mentionner Suzanne Danco, Frederica von Stade, Lorraine Hunt Lieberson, Felicity Lott, Susan Graham, Véronique Gens, Anne Sofie von Otter…

Et voici Marie-Nicole Lemieux, son tempérament unique et la rondeur chaleureuse de son contralto. On savait la cantatrice québécoise chez elle dans la musique française, au concert comme à l’opéra ainsi qu’en témoignait par exemple sa récente prise de rôle dans Samson et Dalila de Saint-Saëns. Arrivée aujourd’hui au sommet de son art, Lemieux donne une leçon de musique : ferveur frémissante, velours du timbre (si bien gouverné que même ses décolorations expressives demeurent lumineuses), longueur du souffle, sensualité des nuances, naturel de l’émotion, diction parfaite… Même avec un accompagnement orchestral à la personnalité moins affirmée qu’ailleurs (mais toujours sobre et juste), on tient sans doute la référence moderne dans ce couplage des deux recueils.

Rareté du programme, l’enregistrement des Six Mélodies persanes suit la nouvelle édition du Palazzetto Bru Zane qui les a importées depuis la Nuit Persane (1891) dans laquelle Saint-Saëns avait refondu ses mélodies tout en les orchestrant. Restoration de l’ordre qui était le leur dans la mouture originelle pour voix et piano de 1870 (celle du disque de Tassis Christoyannis chez Aparté), ajout d’un Prélude et d’un Interlude orchestraux issus de la même cantate : il s’agit apparemment de la même édition utilisée par le label Bru Zane il y a deux ans en complément de La Princesse jaune et confiée à plusieurs chanteurs de tessitures différentes… que Nicole Lemieux toute seule n’a aucun mal à faire oublier. Cette réussite est d’autant plus réjouissante qu’en dépit de quelques orientalismes faciles et d’une invention mélodique à peine moins originale que celle de Berlioz ou Ravel, le cycle se révèle fort personnel (harmonies savoureuses, ruptures rythmiques…). Passionnant.