L’avalanche de noms prestigieux qui, chaque été, dévale sur Verbier, village suisse perché à 1 500 m d’altitude, ne doit pas déformer l’image de son festival : les Janine Jansen, Augustin Hadelich, Leonidas Kavakos et autres Yuja Wang et Evgeny Kissin viennent certes se faire entendre en récitals ou en concertos mais aussi à des concerts de musique de chambre. Ces rencontres dites « inédites » participent autant à l’originalité du festival qu’elles excitent la curiosité du mélomane.
Pouvoir écouter des solistes qui, un temps, oublient leur renom international pour partager l’affiche avec leurs pairs est une aubaine qu’offre le Verbier Festival. Cette édition 2023, célébration des 30 ans, propose ainsi six rendez-vous durant lesquels Lisa Batiashvili et Janine Jansen prêteront leur violon à un quatuor de Chostakovitch, Augustin Hadelich croisera l’archet avec Misha Maisky et le piano de Sergueï Babayan dans le Trio « Dumky » de Dvořák et Renaud Capuçon partagera le Quintette d’Elgar avec Alexandra Conunova, Lawrence Power, Sheku Kanneh-Mason et Alexandre Kantorow.

Bruce Liu (piano), Kristóf Baráti (violon), Mischa Maisky (violoncelle)
Crédit photo : Agnieszka Biolik
Cependant il en va des rencontres musicales comme des rencontres humaines : le courant ne passe pas toujours ou pas tout de suite. Plus par manque de pratique que par mauvaise volonté. Mais il faut bien reconnaître que Yuja Wang, pianiste prodigieuse, familière des concertos les plus costauds du répertoire et réputée pour ses récitals à la virtuosité renversante, a eu quelques difficultés à se plier à l’exercice. Les doigts ne sont évidemment pas en cause : ils courent, sautent, dansent, où bon leur semblent. Mais les contraintes de l’écoute collective et du dosage du son qui en dépend ont été manifestement négligées. L’acoustique généreuse de la petite église (moderne) de Verbier et l’ouverture en grand du piano n’ont fait qu’accentuer le déséquilibre. Il fallait en effet souvent tendre l’oreille pour profiter du violoncelle si naturellement chantant de Klaus Mäkelä dans la Sonate de Rachmaninov et de l’alto souverainement élégant d’Antoine Tamestit dans le Quatuor avec piano n° 1 de Brahms. Sa sonorité, noble, chaleureuse, au vibrato contenu, n’était d’ailleurs pas toujours en phase avec celle plus crispée et dardée du violon de Daniel Lozakovitch. La somme s’est ainsi révélée inférieure à l’addition des unités.

Daniel Lozakovitch (violon), Antoine Tamestit (alto), Klaus Mäkelä (violoncelle), Yuja Wang (piano)
Crédit photo : Nicolas Brodard
Belle complicité musicale en revanche entre Joshua Bell et Larisa Martínez, la rencontre n’ayant cependant rien d’inédit puisque le violoniste et la soprano sont mariés. Leur programme, plus proche du salon que de la salle de concert, réunit des pièces rares pour cordes et voix, avec le concours d’un piano, et des transcriptions. Si la chanteuse portoricaine séduit dans Mendelssohn (Infelice), Gerónimo Giménez ou Bernstein (West Side Story), elle doit sérieusement réviser son français (Delibes, Hérold). En trio ou en duo, avec le seul violon toujours généreux, lyrique et lumineux de Joshua Bell, Julien Quentin rappelle qu’il est bien plus qu’un accompagnateur : un merveilleux pianiste, au toucher délicat, aux couleurs profuses, à l’oreille et aux doigts capables de s’accorder avec ses partenaires (phrasés, rubato, dynamique). La musique de chambre trouve ici son parfait accomplissement.
Festival de Verbier, Suisse, les 18 et 29 juillet
Pour en savoir plus : consulter le site du Verbier Festival.