Le téléphone portable nouvel instrument, et autres interventions… déconcertantes !

Bernard Cavanna confia se situer « entre Zimmermann et Nino Rota ». Le tragique et le grotesque. Un romantique, Cavanna ? Mettons que sa boîte à outils dispose de l’arsenal que les XXe et XXIe siècles y ont déposé tout en demeurant le prolongement naturel de son monde intérieur. En exergue à l’enregistrement des Symphonies nos 88 à 92 (Warner, 2007), Simon Rattle précisait : « Je suis sûr que si Haydn écrivait des symphonies aujourd’hui l’on aurait un téléphone portable dans l’instrumentation ».

Ce que Haydn n’a pu réaliser, Cavanna l’a accompli avec Geek bagatelles (2016), qui confronte vingt smartphones et trente-huit musiciens. Y transitent des fragments de la Symphonie n° 9 de Beethoven, « vestiges ou ruines d’un chef-d’œuvre disparu » que l’orchestration inédite colore d’une manière singulière. Les élèves du Lycée Boucher de Perthes d’Abbeville s’unissent avec l’Orchestre de Picardie et Arie Van Beek dans cette partition à la rythmique mouvante et à l’harmonie riche en rebondissements. La confrontation est également au cœur du Concerto pour violon n° 1 dont Noëmi Schindler avait laissé un enregistrement de référence (Soupir, 2000).

La version pour violon et orchestre de chambre (2006) ici proposée estompe les conflits du très monolithique Premier mouvement mais atteint peut-être un degré d’accomplissement supérieur dans le frémissant second où officie Vincent Lhermet à l’accordéon.

Le Concerto n° 2 « Scordatura » (2019), comme son titre l’indique, fait montre d’une virtuosité plus baroque. Équipée de quatre instruments différents incluant un violino, Noëmi Schindler évolue avec une facilité déconcertante dans la toile tissée par Cavanna : voici un bout de danse brésilienne, l’intervention disruptive d’une cornemuse, de la musique techno, les raclements de la mâchoire d’âne auxquels s’opposent les sonorités cristallines de la mandoline. Il fallait de l’audace pour oser ça ; tant soit peu de génie pour le réussir.