Haendel au Top 50 agrémenté de synthé et boîte à rythmes : il n’y a que les années 1980 pour nous servir un tel cocktail !
Ce n’est pas un sketch – enfin, si. Qui aurait pu imaginer, sauf lors d’une fin de banquet très arrosée, que la fameuse Sarabande de Georg Friedrich Haendel allait inspirer l’un des succès les plus improbables du Top 50 ? Il faut dire que le fameux classement n’existait pas au moment où le compositeur écrivait, en 1733, sa Suite n° 4 en ré mineur dont elle est tirée. Initialement imaginée pour clavecin, la Sarabande connut bien d’autres versions ultérieures, dont une célèbre transcription pour cordes et basse, signée en 1975 par Leonard Rosenman.
Rétrofuturisme
Vous la connaissez forcément puisqu’elle a été utilisée pour la bande-son de Barry Lyndon, offrant une nouvelle popularité à Haendel – on ne dira jamais assez à quel point Stanley Kubrick a été un formidable passeur pour la musique classique. L’heure est au rétrofuturisme et, dans la lignée de 2001, l’Odyssée de l’espace, les années 1980 ont plébiscité les performances du chanteur allemand Klaus Nomi, avec ses costumes venus d’une autre planète et sa voix, à la fois baryton-basse et contre-ténor. Son adaptation synth-pop mâtinée d’esthétique new wave de Purcell (The Cold Song) n’a évidemment pas échappé à un certain Thierry Mutin. En 1988, cet artiste, par ailleurs contre-ténor, proposa une relecture étonnante de ce classique des classiques, intitulée Sketch of Love.

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Avec la complicité de Jean-Pierre Bourtayre (qui compte parmi ses tubes Le téléphone pleure de Cloclo) à la production et aux arrangements, Mutin raconte ici un coup de foudre : « It was in the year eighty five / I went to the opera / And I saw you behind the mirrors / You looked liked Lauren Bacall » – la traduction est-elle nécessaire ?
Le miracle discographique
De trois temps, on passe à quatre ; les violons disparaissent au profit du synthétiseur Yamaha DX7 et de la boîte à rythmes façon Giorgio Moroder ; la voix tire naturellement vers les aigus les plus marqués, passés en puissance. Grâce à son clip louchant sur Mad Max et ses passages dans les émissions de variétés plus habituées à Linda de Suza et Enrico Macias, Thierry Mutin détonne, fascine, touche le grand public – et plaît beaucoup à la communauté gay –, jusqu’à atteindre la troisième place du Top 50, bien que désolant certains mélomanes…
Le miracle discographique n’aura toutefois lieu qu’une fois et jamais plus le chanteur ne connaîtra un succès de cette ampleur. Plasticien reconnu, ce créateur atypique, passionné par la question du posthumanisme, a deux ateliers (l’un à Paris, l’autre à Palo Alto) et travaille notamment sur les liens entre l’art et la science. Science-fiction, dites-vous ? On songe alors au slogan du film Alien : « Dans l’espace, personne ne vous entendra crier… »
Rendez-vous sur son site : THIERRY MUTIN. POST HUMAN ART & ART LAB. Paris. France.