L’ambassadeur de la musique ancienne publie un florilège de plus de 400 titres en 40 heures, autant que d’années de redécouvertes baroques. Un vrai coffret aux trésors !

C’était en mars 1979 à Gand. Une équipe de jeunes musiciens très chevelus, parmi lesquels Bernard Foccroulle et Philippe Pierlot, enregistrent, sous la houlette de la violoniste Janine Rubinlicht et la flûtiste Marion Verbruggen, des extraits de Terpsichore Musarum, recueil de danses de Praetorius. Participe à cet ensemble, appelé Musica Aurea, un gambiste, Jérôme Lejeune, également musicologue. Un an plus tard, ce dernier publie le disque sous un label qu’il vient tout juste de créer, Ricercar. « Le nom indique clairement que nous visons à explorer des territoires peu fréquentés plutôt que de proposer, une fois de plus, des Quatre Saisons ou des Concertos brandebourgeois, explique le directeur artistique. Mais nous ne nous interdisons par quelques détours vers des œuvres connues, comme le tout récent Samson de Haendel, dirigé par Leonardo García Alarcón. »

Si le Praetorius relève plus « du hasard » que du manifeste, il trace néanmoins une ligne, ininterrompue jusqu’à aujourd’hui, vers le baroque allemand. « J’avais entendu un vieux microsillon de cantates de Bruhns qui m’avait impressionné et constaté que les partitions étaient disponibles depuis les années 1930. Il fallait alors s’y intéresser. » C’est ainsi que paraîtront des disques qui ont imposé le nom de Ricercar et participé à la redécouverte de la musique ancienne : les motets des ancêtres de Bach par Philippe Herreweghe et le Collegium Vocale de Gand en 1982 puis les cantates pour alto de sa famille par le contre-ténor Henri Ledroit et le Ricercar Consort l’année suivante, amorces d’une série consacrée aux « Deutsche Barock Kantaten », toujours avec le Ricercar Consort.

Crédit photo : Ricercar

Une famille d’artistes

Le label a ainsi constitué un ensemble, un consort, une famille d’artistes qui compte. Outre ceux déjà mentionnés, citons le violoniste François Fernandez, le flûtiste Frédéric de Roos, les chanteurs Greta De Reyghere, Max von Egmond… Ils dévoileront à un public de passionnés les trésors du xviie siècle allemand, accumulés entre Abel et Zachow en passant par Bruhns, Buxtehude, Tunder et Weckmann. Aussi, à l’occasion de ses 40 ans, Ricercar réunit-il en un coffret de trente et un CD une admirable anthologie intitulée « Masters of the German Baroque », qui retrace autant l’histoire du label que celle de ce répertoire aux inépuisables beautés. Cette publication, au profil pédagogique évident, fait écho à une série d’épais livres-disques qui apprennent à reconnaître les instruments anciens ou à écouter l’époque de Monteverdi ou de la Réforme ; et rappelle que Jérôme Lejeune a enseigné durant trente-cinq ans l’histoire de la musique au Conservatoire de Liège.

Mais le propre d’une famille est de s’agrandir et d’additionner les générations. Aussi les pionniers ont-ils été rejoints par d’autres formations, telles La Fenice et le flûtiste Jean Tubéry, Clematis et la violoniste Stéphanie de Failly, la Cappella Mediterranea et le claveciniste Leonardo García Alarcón, Vox Luminis et le baryton Lionel Meunier, L’Achéron et le gambiste François Joubert-Caillet. Une « Ricercar Collection » de quinze numéros, réédition d’enregistrements effectués entre 1984 et 2009, permet de faire connaissance, à moindres frais, avec la plupart des artistes maison.

Malgré un marché du disque asthénique, Ricercar publie une douzaine de titres par an. L’avenir ? « La musique enregistrée ne va pas s’arrêter, assure Jérôme Lejeune. Je continue à recevoir quantité de projets passionnants. » Encore de belles trouvailles en perspective.