On l’a suivi aux quasi quatre coins de la planète, Yannick ! On a même galopé derrière lui, l’hyper actif, pour saisir un peu du secret de sa réussite, et de cet amour inconditionnel que lui vouent tous les musiciens qu’il a dirigés depuis deux décennies. De Rotterdam jusqu’aux coulisses du Met ou dans la banlieue montréalaise, aux côtés de son orchestre chéri, le Métropolitain – et bien avant encore, sur le sol français… En ces temps confinés, notre chef québécois a « la broue dans le toupet ». Comprendre: Yannick Nézet-Séguin piaffe, il est au travail, il déborde de projets, il s’impatiente. Mais attention, confiait-il à Olivier Bellamy le mois dernier dans Classica : « J’observe aussi des concours de beauté ou des concours de vitesse qui me semblent vraiment inappropriés. » À 45 ans, voici un portrait sensible et (plus) subtil qui se dessine aujourd’hui d’un chef que rien ne semblait devoir stopper dans son élan irrésistible. Pandémie oblige, presque un an d’arrêt forcé plus tard, une saison blanche au Met qui l’attendait comme le Messie, et après un déploiement tous azimuts sur le Net et les réseaux sociaux : « C’était très beau, pendant un temps, mais c’était plus un exploit technologique qu’une prouesse artistique. Appelons ça un acte de survie qui n’a rien à voir avec la musique vivante »… Un maître, définitivement, un modèle, « paradoxal », puisqu’il « refusait tous les postes » : Carlo Maria Giulini. Et conséquemment, ce viatique de bonne conduite avec les orchestres, assurément pas le goût du pouvoir – mais mieux, « un secret : c’est l’amour. Au minimum le respect, qui dénote cependant une trop grande distance ». À la baguette, enfin, plaidoyer pour la vertu cardinale de la clarté, à une époque où « battre la mesure a mauvaise presse ». La scène, les planches, le pupitre lui manquent terriblement, à notre cher Yannick. La « vibration physique […], affronter la nécessité de se dénuder pour communiquer et tout donner » Il nous manque, aussi, Yannick. Mais ces mots et cette hauteur de vue désormais (mieux) énoncés, nous promettent de prochaines années – celles d’après – palpitantes.

Crédit photo : Hans van Der Woerd