Les mots de deux (nouveaux) boss, et pas les moindres, dans le numéro scaligère de Classica, le mois dernier. Désormais à la tête de la Scala de Milan, justement, Dominique Meyer, 65 ans, parle d’or, et cash. Aurait-il été un patron idéal – son bilan, au Théâtre des Champs-Élysées puis à Vienne en témoigne sans l’ombre d’un doute – de  la grande boutique parisienne ? Le processus de recrutement en fut « tout à fait dédaigneux, peu sympathique et assez irrespectueux ». Fermez le ban. Patron d’opéra, la recette est simple : « Le cuisinier doit être dans sa cuisine : on passe du temps dans le théâtre, on arrive tôt le matin, on repart tard le soir et on y est tous les jours. » Le retour/recours à la troupe, en faveur de quoi beaucoup plaident aujourd’hui ? « J’y suis très favorable », répond le Français : mettre de jeunes chanteurs sur le chemin de la carrière, « c’est un très beau travail », mais pas évident à mettre partout en pratique. Ce ne sera pas pour la Scala ; serait-ce envisageable à Paris ? Quelques pages avant, Alexander Neef, qui tient à présent la barre de Bastille et Garnier, n’y ferme pas la porte, du moins sur le principe : « Cela se justifierait dans le contexte actuel » – arguant néanmoins des questions complexes de droit du travail que Dominique Meyer soulève lui aussi. Le répertoire et sa mise en œuvre ? Là encore, nos deux amiraux fixent ensemble le même horizon. Neef : « Nous sommes dépositaires du patrimoine que nous gérons et que nous agrandissons. Il faut avoir une perspective de théâtre de répertoire, et une vue encyclopédique de celui-ci » / Meyer : « Un théâtre a besoin d’être relancé régulièrement avec de nouveaux projets ou des reprises bien faites. » Contraints plus que n’importe lesquels de leurs prédécesseurs récents par une crise économique et sanitaire sans précédent, Neef le Parisien et Meyer le Milanais avanceront, ils l’assurent en chœur, pour et avec le public. Libres des dogmatismes et des « quelques plumes qui dictent leur opinion »… Deux grands capitaines – on en fait le pari – à la barre d’immenses vaisseaux lyriques que les violents roulis actuels pourraient durablement faire tanguer…

Crédits photos :
pour Dominique Meyer, Franz Johann Morgenbesser
et pour Alexander Neef, Rider Dyce