J’adore Angela Gheorghiu, et davantage encore les années passant : une diva un peu bad girl, qui parle cash et qui détonne. Chanter chez soi par écran interposé pendant le confinement… « Ah, ça non ! J’en ai vu défiler sur les écrans des cuisines et des salons ! », s’exclamait la soprano le mois dernier dans les colonnes de votre magazine préféré.
Quelque chose d’insurpassable
Toujours les mêmes réticences envers les mises en scène modernes ? « Cette Traviata avec la vache, là, que j’ai vue à Garnier, c’est à pleurer. Les chanteurs sont magnifiques, et la production horrible. Ça me fait mal ! » Roberto et Angela ? « Dans le métier, nous avons réalisé quelque chose d’insurpassable. Notre couple a été un modèle pour bien des chanteurs d’opéra. » À bon entendeur… J’adore Angela Gheorghiu. Malgré cette façon un peu paresseuse – et frustrante ! – d’avoir parfois (mal)mené sa carrière, et raté le coche de rôles taillés pour elle : voici donc une Manon Lescaut de nouveau annoncée, mais combien de fois déjà différée…

Crédit photo : Cosmin Gogu
Plus jeune, une merveilleuse Adina dans L’Élixir d’amour ouvrait tout un champ de possibles du côté du bel canto, mais hélas… À peine un disque, somptueux, et réécouté tout récemment : ligne infinie et vocalité idéale d’une Somnambule de Bellini, ou d’une Matilda dans le Guglielmo Tell de Rossini, c’était il y a vingt ans tout pile dans les studios d’Abbey Road pour EMI. J’adore Angela Gheorghiu avant tout pour cela : timbre à nul autre pareil, soie, finesse et irisations d’un Margaux, quand d’autres préféreront les tannins intenses, mais parfois écrasants, d’un sud plus ensoleillé.
Les vocalises, je déteste ça
A-t-on parfois tendu l’oreille, en salle, pour une Tosca un peu légère ou une Adriana Lecouvreur qu’on aurait souhaitée plus dramatique ? Oui, certes. Les micros ont mieux rendu justice à chaque nuance de cette voix infiniment contrôlée – trente ans de carrière au sommet et le vibrato d’une quasi (excellente) débutante. Les vocalises ? « Je déteste ça », confiait encore ici la belle Angela. « J’ai commencé à vocaliser il y a quelques mois seulement, pour vérifier que tout était toujours en place. » Je l’adore, vous dis-je.