Lise Davidsen et Leif Ove Andsnes portent les mélodies de leur compatriote Edvard Grieg avec une profonde sensibilité.
Pour son premier disque de mélodies, Lise Davidsen a choisi un répertoire où elle a tout à fait sa place : des pièces de Grieg, des cycles connus (Haugtussa, op. 67, les Lieder, op. 48) ou d’autres qui restent à ce jour moins entendus, comme l’opus 69 et les mélodies sur des poèmes d’Andersen ou d’Ibsen.
Dès les premières notes de Leif Ove Andsnes, nous sommes plongés dans la lumière des paysages norvégiens, avec des arpèges et des gammes d’une clarté étincelante, des trilles agiles et aériens, suspendus et nets comme des gouttes d’eau sur la branche. Toujours au cœur du timbre, l’expression dramatique de Davidsen se déploie de manière presque liquide avec opulence, terriblement wagnérienne dans son adresse liminaire à l’auditeur (Det Syng) mais capable aussi des plus infimes pianissimos ne laissant paraître que les reflets cuivrés de son timbre (Drømme).
Souple et authentique
La voix de Davidsen se fait plus fraîche que le soprano épais de Kirsten Flagstad avec Edwin McArthur (Decca, 1956) mais plus ronde que le mezzo versatile, grave et palpitant d’Anne Sofie von Otter avec Bengt Forsberg (Deutsche Grammophon, 1992) ; Lise Davidsen propose une version souple, fluide, incroyablement cohérente et authentique des mélo- dies de Grieg. Là où von Otter nous tient en haleine en narratrice captivante, diseuse de ballade fantastique et croqueuse de brefs tableaux vivants qui se terminent aussi vite qu’ils ont commencé, la soprano norvégienne installe un tempo plus lent, calme et serein. Elle ne joue pas à prendre un masque, mais offre sa présence généreuse et sa voix hors du commun, totalement convaincante en jeune bergère vivant son premier amour dans le cycle Haugtussa.

Edvard GRIEG
(1843-1907)
Haugtussa. 5 Poèmes, op. 69. 6 Lieder, op. 48…
Lise Davidsen (soprano),
Leif Ove Andsnes (piano)
Decca 485 2254. 2021. 1 h 19
Elle s’éloigne aussi de toute convention d’interprétation. Ainsi dans Våren, où von Otter comme Barbara Bonney avec Antonio Pappano (Decca, 1999) nous ont habitués à un fort contraste répété entre les pianissimos et les fortissimos, Davidsen choisit quant à elle de ne pas jouer l’effet, mais de nourrir la nuance de la souffrance du poète, un fortissimo qui n’est pas clamé mais profondément ressenti. Cette capacité à créer une atmosphère et à la maintenir tout au long de la mélodie donne lieu à des moments magiques comme Ved Gjætle-Bekken, où le ruisseau figuré au piano devient confident du chagrin d’amour de la jeune fille. Les deux instruments se fondent sans heurt dans une même luminescence, d’une douceur réparatrice, presque chuchotée à l’oreille.
Malgré l’ampleur de sa voix, Lise Davidsen démontre qu’elle sait jouer dans le format du lied et qu’elle respecte son texte musical et poétique, qualité des grands wagnériens. La passion d’Ein Traum nous emporte dans un mouvement irrésistible sans excéder les limites de sa forme ; Lauf der Welt montre une agilité d’une grande élégance tandis que la barque de Der gynger en Båd på Bølge danse avec joie sur les flots. Ce disque plonge l’auditeur dans le plaisir infini des sources chaudes, il fait du bien au corps et apaise l’âme.