Bach mystique

Quels étaient les desseins profonds du jeune Bach, lorsqu’à la fin de l’automne 1705, âgé de 20 ans seulement, il entreprit de parcourir à pied les quelque quatre cents kilomètres séparant Arnstadt de Lübeck ?

La longue marche conduisant à Buxtehude, organiste de l’église Sainte-Marie, se nourrissait-elle de l’espoir d’une succession au poste ? Répondait-elle au souhait de participer aux fameuses veillées musicales organisées par le maître ? Ou bien le menait-elle vers son inspirateur et vers Dieu, dans un projet purement mystique ?

C’est sur cette dernière hypothèse que se fonde Simon Berger, qui développe un récit de voyage relaté avec la naïveté d’un conte. Dans une écriture réflexive et soignée, l’ouvrage dévoile une subjectivité assumée qui projette sur le cantor de Leipzig son rapport amoureux et sacré à la partition, ici le cycle Membra Jesu Nostri de Buxtehude. Les prometteuses qualités littéraires du texte mettent en valeur la délicatesse du propos : lorsque l’envie et l’attente creusent les sillons du plaisir et de la joie.

Laisse aller ton serviteur, Simon Berger, Éditions Corti, 112 p., 14€. 

Les artistes en URSS

Il l’a fréquenté quarante ans durant, l’a longuement interrogé, souvent filmé et a fini par condenser ses souvenirs en un livre.

Bruno Monsaingeon laisse ainsi la parole au chef d’orchestre Guennadi Rojdestvensky (1931-2018), qui, à la première personne, raconte le roman de sa vie, celle d’un fils de musiciens qui fait ses débuts au Bolchoï à 20 ans et qui en deviendra le directeur général en 2000. Artiste à la discographie monumentale, il connut tous les grands compositeurs russes du second xxe siècle, dont Schnittke qui composa pas moins d’une quarantaine d’œuvres à son intention. Ce conteur né évoque aussi bien ses rencontres avec Chostakovitch, dont il apprécia « la délicatesse », Rostropovitch, aux « dons musicaux phénoménaux », et Oïstrakh, que la terrifiante absurdité d’un régime qui fait suivre ses artistes en tournée mais transforme les chefs d’orchestre en « directeurs d’agence de voyages », ajoutant que le Russe sait trouver le comique dans le drame.

Comme dans ces bémols qui font défaut au premier acte d’Ivan Soussanine de Glinka, ainsi que le fit remarquer Staline à l’entracte d’une représentation…

Les Bémols de Staline, Bruno Monsaingeon, Fayard, 348 p., 24 €.