Les Enfants terribles (1996) est le dernier volet de la trilogie opératique consacrée par Philip Glass au poète et cinéaste Jean Cocteau. Venant après Orphée (1993) et La Belle et la Bête (1994), il met en scène la relation incandescente d’un frère et d’une sœur qui se créent, dans le huis clos de leur chambre, un monde à eux, et s’y retrouvent finalement piégés, incapables de se confronter au réel. L’opéra, initialement écrit pour quatre chanteurs et trois pianistes, a été arrangé pour deux pianos à l’intention des sœurs Labèque par Michael Riesman, qui dirige le Philip Glass Ensemble depuis des décennies.
Cette œuvre éminemment dramatique, tourmentée à l’extrême, laisse à Glass le loisir d’explorer toute la gamme des émotions qu’il excelle à transcrire, de la mélancolie à la souffrance. Surtout, l’imminence du dénouement tragique, pressenti dès les premiers accords de l’Ouverture, plane sur l’ensemble de l’œuvre et ne lâche jamais l’auditeur, aussitôt pris au piège du monde vénéneux de ces enfants terribles. Le jeu puissant des sœurs Labèque transcrit avec véhémence la passion poussée jusqu’aux limites de la folie, et emporte dans un voyage dont on ne sort pas indemne. À écouter en relisant le roman de Cocteau (1929), qui s’en trouve transfiguré.

Les Enfants terribles.
Études nos 17 et 20
Katia et Marielle Labèque (piano)
Deutsche Grammophon 485 5097.
2020. 1h03