Transposition du conte de La Belle et la Bête dans l’Orient des Mille et une Nuits, Zémire et Azor de Grétry est donné ce mois de juin à l’Opéra Comique. C’est Louis Langrée, son actuel directeur, qui dirige cette production mise en scène par Michel Fau.
Zémire et Azor remporta l’un des plus grands succès du règne de Louis XV, devant lequel il fut créé en 1771. Le livret de Marmontel, qui s’inspire du conte de La Belle et la Bête, mêle habilement féerie, turquerie, comédie et mélodrame, tandis que la partition de Grétry marie avec élégance les genres de l’opéra-comique (avec dialogues déclamés) et de l’opéra-ballet, sans sacrifier la finesse du second à la vivacité du premier. Idéalement adapté à l’écrin de la salle Favart, l’ouvrage n’a hélas guère inspiré Michel Fau, qui signe un spectacle paresseux, aux couleurs criardes, à la direction d’acteurs pauvrette, dans lequel il nous rejoue son habituel numéro de travesti à entrechats (il y campe une méchante fée bien inutile). Sauvons tout de même un joli sfumato d’ombres chinoises, qui rappelle le travail de Michel Ocelot.

Julie Roset (Zémire), Philippe Talbot (Azor)
Crédit photo : Stefan Brion
Les teintes sylvestres de l’œuvre sont plutôt à chercher du côté de l’orchestre (Les Ambassadeurs – La Grande Écurie), perfectible en matière de cohésion le soir de la première, mais coloré, tonique, évocateur, superbement conduit par Louis Langrée (quel beau travail sur la dynamique !) : à ce titre, le dernier acte, où point la mélancolie, est un modèle.

Marc Mauillon (Sander), Julie Roset (Zémire), Séraphine Cotrez (Fatmé), Margot Genet (Lisbé)
Crédit photo : Stefan Brion
La distribution vocale reste inégale, surtout côté seconds rôles : les deux sœurs de l’héroïne (Margot Genet, Séraphine Cotrez) déraillent souvent, l’Ali de Sahy Ratia vaut davantage pour ses talents d’acteur que pour son brin de voix et Sander pâtit de l’émission trompetante de Marc Mauillon. Julie Roset campe en revanche une irrésistible Zémire (la Belle) : timbre rond et frais, vocalise aérienne, aisance et drôlerie dans les dialogues. Si Philippe Talbot n’y brille pas, il triomphe des airs magnifiques d’Azor (la Bête), rôle de haute-contre épineux qu’il sait rendre aussi ambigu que poignant – en dépit de son grotesque costume de scarabée. Notons que l’Atelier lyrique de Tourcoing, coproducteur du spectacle, le reprendra en février 2024. Et rappelons aux éditeurs de disques qu’une version historiquement informée de cette perle manque toujours au catalogue…
Paris, Opéra Comique, le 23 juin
Crédit photos : Stefan Brion
Pour en savoir plus :
- Consulter la page dédiée à Zémire et Azor sur le site de l’Opéra Comique.
- (Re)lire notre article sur le lancement de la saison 2023/2024 à l’Opéra Comique.