Ce mois de juin à Strasbourg, une nouvelle production de Turandot est donnée avec le finale original complet de Franco Alfano et une mise en scène d’Emmanuelle Bastet. Une « résurrection » particulièrement convaincante

Quand une nouvelle étoile naît-elle ? Quand une voix d’exception, par l’ambitus, la chair, la maîtrise technique, la compréhension stylistique, passe-t-elle soudain au premier plan ? Elisabeth Teige, norvégienne, 42 ans, accumule depuis cinq ans en Scandinavie, en Allemagne, les succès remarqués dans Wagner, Puccini et Strauss. Au point que Bayreuth lui a proposé Senta l’été dernier et y ajoute Elisabeth cet été. À l’entendre enfin en Princesse de glace, au timbre brûlant, on découvre la splendeur de l’interprète et sa capacité à captiver une salle. La Turandot de l’Opéra national du Rhin a donc permis cette révélation mais pas seulement.

Car d’une équipe quasi parfaite ressort aussi Arturo Chacón-Cruz, ténor élégant au timbre chaud et au souffle de tenue et de longueur exceptionnelles. Carrière déjà assurée mais qui, en osant Calaf, y montre des qualités d’investissement et de charme de haut rang. Et que dire de Domingo Hindoyan, trop réduit à son rang d’époux de Sonia Yoncheva, dont la direction d’une précision obstinée arrive à apporter au finale de l’acte I une construction impérieuse – on ne l’a pas entendu ainsi porté depuis Karajan ! Du finale intégral d’Alfano, charcuté à la création par Toscanini et dont c’est, semble-t-il, la première exécution française, il propose une leçon unifiée, à l’inverse récent d’un Pappano au disque.

Arturo Chacón-Cruz et Elisabeth Teige
Crédit photo : Klara Beck

Ajoutons une Liù séduisante (Adriana Gonzalez), un Timur sonore (Mischa Schelomianski), le vétéran Raúl Giménez en Empereur impérieux, un Mandarin façon animateur de jeu au timbre prenant (Andrei Maksimov, de l’Opéra Studio), un trio de ministres excellent, dominé par le très beau Ping d’Alessio Arduini, c’est fête. La mise en scène actualisée à une Chine contemporaine, par Emmanuelle Bastet, fonctionne fort bien et fait accepter une Princesse blonde. Mais pourquoi la faire retourner à son néant quand la partition affirme haut qu’elle découvre enfin l’amour et la joie ? Parce que le livret dit « Turandot n’existe pas » ? C’est sans doute le seul hiatus d’une proposition qui n’avait pas besoin de cela pour être remarquable. À voir et entendre encore à Mulhouse, les 2 et 4 juillet.

Strasbourg, Opéra du Rhin, le 20 juin

Pour en savoir plus : consulter la page dédiée à cette nouvelle production de Turandot sur le site de l’Opéra national du Rhin.

Raúl Giménez
Crédit photo : Klara Beck

Crédit photos : Klara Beck