Après trois ans d’interruption liés à la Covid, le Festival International de Colmar reprend vie sous la direction artistique d’Alain Altinoglu. Avec finesse, sa programmation, conçue dans l’urgence, conjugue harmonieusement concerts symphoniques – en particulier avec son Orchestre symphonique de la Radio de Francfort –, musique de chambre et récitals pour divers instruments avec une place toute particulière offerte à la garde montante.
Un jeune chef prometteur à Toulouse
À la tête de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse dans l’église Saint-Matthieu, le Finlandais Tarmo Peltokoski (23 ans), qui succèdera dans la ville rose à Tugan Sokhiev la saison prochaine, étonne par son autorité naturelle. Dans le Concerto pour violon de Tchaïkovski avec le jeune prodige Daniel Lozakovich, ses interventions pendant les tutti ne manquent ni d’engagement ni de force vitale face à la maîtrise quasi surnaturelle d’un soliste sur la réserve qui se méfie des épanchements. En revanche, l’accompagnement du chef parfois cinglant favorise les cuivres au détriment des cordes dans une acoustique réverbérée. Bis pyrotechnique de Lozakovich avec la Sonate n° 3 d’Ysaÿe suivie de la transcription mélodieuse de l’air de Lensky extrait d’Eugène Onéguine de Tchaïkovski. En seconde partie, la Symphonie n° 1 de Mahler paraît trop immobile dans le mouvement initial, mais prend progressivement ses marques jusqu’à un finale aux limites de la rupture dont la coda ne manque pas d’allure. En définitive, le sérieux et la concentration dominent dans cette lecture toute neuve pour ce musicien en pleine ascension.
Orchestre du Capitole de Toulouse, Tarmo Peltokoski (dir.), Daniel Lozakovich (violon)
Crédit photos : Festival international de Colmar
Purcell réinterprété, Mozart éternel
Dans le même lieu, Grigori Sokolov retrouve un public qui lui est acquis. Il propose d’abord un voyage autour de la musique pour clavier de Purcell dans une interprétation faisant fi de toute référence baroque, le clavier s’élevant à la hauteur d’un orchestre : sonorité de bronze dans les branles, contrastes accusés des Suites, puissance de la Chaconne en sol mineur qui prend une dimension tellurique, chaque doigt exprimant une nuance ou une inflexion. On peut aimer cette réinterprétation ou la détester. Après l’entracte, la Sonate n° 13, K. 333 de Mozart n’est qu’une mise en bouche pour préparer à l’Adagio en si mineur, K. 540 d’une lenteur désespérée qui laisse toutefois un sentiment d’éternité. Comme à l’accoutumée, six bis ensuite à déguster sans modération entre Rameau, Chopin, Rachmaninov et J.S. Bach (l’arachnéenne Sicilienne BWV 1041 transcrite par Kempff). Salle en liesse.
Grigori Sokolov
Crédit photos : Festival international de Colmar
Au piano, relève assurée avec Nicolas Bourdoncle
Au Koïfus, le pianiste Nicolas Bourdoncle (23 ans), disciple de Roger Muraro à Paris, de Nelson Goerner à Genève et de Stanislav Ioudenitch à Madrid, affronte aux chaudes heures de midi trois sonates de Beethoven. Agile et techniquement parfait dans la Sonate n° 6, tempétueux et puissant dans l’« Appassionata », organique dans l’opus 109, il possède indéniablement un tempérament qu’il faudra peut-être canaliser mais qui laisse déjà entrevoir de riches potentialités musicales.
Dans le même lieu, au soir du 9 juillet, Alain Altinoglu se montrait pédagogue face à un auditoire attentif et participatif dans une rencontre très suivie sur le rôle et la fonction de chef d’orchestre, avec exemples au piano et anecdotes personnelles. Un moment d’échange et de communication chaleureux à l’image de ce festival ouvert sur le monde.
Festival International de Colmar, église Saint-Matthieu et Koïfus, les 9, 10 et 11 juillet

Nicolas Bourdoncle
Crédit photo : Festival international de Colmar
Pour en savoir plus : consulter le site du Festival international de Colmar.