Révolutionnaire et romantique, la Symphonie fantastique de Berlioz ouvre le Nouveau Festival Radio France Occitanie Montpellier ce 17 juillet : une connexion qui fait sens entre cette œuvre culte et l’Opéra Berlioz (Corum de Montpellier) rempli. L’imaginaire berliozien s’y déploie sans limites et en toute liberté avec l’Orchestre philharmonique de Radio France sous la direction de Sir John Eliot Gardiner. Familier de la génération romantique 1830, au concert et au disque (enregistrements de 1993, Philips), le chef britannique propose une vision shakespearienne de l’œuvre à programme. Il livre l’imaginaire dramatique si novateur de Berlioz tout en contrôlant sa direction au laser, dans l’ivresse comme dans la douceur.

Crédit photo : Marc Ginot

Grâce aux excellents pupitres du Philhar’ (en particulier de la flûte et du hautbois solos, mais aussi des bassons, contrebasses), les apparitions variées de l’idée fixe défilent au gré de Rêveries et passions. Les variations infinies des tempos de l’Agitato e appassionato se renouvellent avec celles burlesques de la bien-aimée Harriet, métamorphosée en sorcière dès la fin du Bal (contrechant de cornet, version 1844). C’est évidemment le finale (Songe d’une nuit de sabbat) qui submerge l’auditoire satanisé, lorsque la ronde entremêle les sombres cuivres du Dies Irae aux criailleries félines des bois aigus. La palette des nuances et des registres atteint son climax.

Mais l’imaginaire est également esthétique dans la manière de confronter ou de marier les timbres, de gérer les espaces acoustiques. Relevons l’entrée théâtrale des quatre harpes sur la scène (uniquement pour le mouvement Un Bal), disposées en corolle autour du podium du chef (une gravure de Grandville) afin de spatialiser leurs frémissants arpèges. Citons le dialogue pastoral entre le cor anglais et le hautbois de coulisse (jolie voix fluette, obtenue par son éloignement côté Jardin) au début de la Scène aux champs. Ou encore la voix solitaire du même cor anglais sous la menace visionnaire des quatre timbales évoquant l’orage.

Crédit photo : Marc Ginot

Enfin, l’imaginaire est révolutionnaire (1830, date de création) par l’interpolation incroyable des cris du peuple lors de la coda de la Marche au supplice : les musiciens de l’orchestre s’y déchaînent ! Aussi, les ovations de l’auditoire, debout dans l’Opéra Berlioz, sacrent le jeune octogénaire Gardiner à la fin du concert. Lequel chef, très british dans son habit queue-de-pie (un brin cabotin, comme Hector), enjoint au public de participer au bis de cette coda par leur vocifération collective. Est-ce donc un concert interactif qui introduit le « Nouveau » festival ? Ou bien un concert politique qui retentit dans la France de 2023, rejouant les bouleversements de la révolution de Juillet (1830) ?

Crédit photo : Marc Ginot

En première partie, le Concerto n° 4 de Beethoven, avec Alexandre Kantorow au piano, a également séduit. L’interprétation s’arc-boute ici sur une poésie et une dramaturgie instrumentales, soit la griffe du symphoniste viennois, tant vénéré par le jeune Hector. Dès lors, la rigueur classique du discours orchestral s’oppose à l’effusion romantique du clavier de Kantorow. Néanmoins, Gardiner ménage de souples suspensions et rebonds (désinence de la phrase classique) dans l’Allegro initial, avant de théâtraliser l’Andante central, sorte de récitatif accompagnato d’opéra où la diva devient le pianiste. Après la virtuosité dansante du Rondo final, le jeune pianiste (26 ans) choisit d’apaiser le jeu avec le délicat Intermezzo opus 118 n° 2 de Johannes Brahms. Un bis qui préfigure la délicatesse initiale de la Fantastique à venir, page d’un jeune compositeur de 27 ans…