On la croyait casanière et revêche, on la découvre voyageuse et avenante. On savait, certes, Telemann « grand partisan de la musique française » et auteur, comme Bach, Haendel, et avant eux, Cousser, Erlebach et Muffat, de nombreuses suites. Mais Louis Delpech raconte comment et pourquoi une Allemagne, mosaïque de duchés et principautés, au sortir de la guerre de Trente Ans, a pu accueillir la musique et les musiciens français. Circulation des hommes dans le sillage des troupes itinérantes, circulation des partitions, goût esthétique du souverain (Auguste le Fort, le fameux Orchestre de Dresde ), contraintes économiques (les musiciens français coûtent moins cher que les italiens), l’auteur, au prix d’un travail de recherche exemplaire, restitue le contexte et la réalité de cette migration outre- Rhin. Son étude, concentrée sur la Saxe et la Basse- Saxe, nous mène sur les scènes des opéras et des fêtes mais aussi à l’église et dans les bibliothèques où se collectionnent les cahiers de musique, l’influence française investissant tous les répertoires. De la fascination pour le modèle louis-quatorzien aux lueurs des premières Lumières qui jettent alors une ombre sur la musique française jugée dépassée, Louis Delpech, d’une plume aussi savante qu’alerte, raconte le roman allemand de la musique française, autant histoire d’une adaptation que d’une dissolution, vue par le prisme de l’idéal galant. Magistral.

Ouvertures à la français. Migrations musicales dans l’espace germanique, 1660-1730, Louis Delpech