Mario Castelnuovo-Tedesco

Il est difficile de résister au charme de cette musique à la fois sincère et experte. Les mélodies du Nocturne, volubiles et ensoleillées, fusent sous l’archet du violon, le piano ruisselant d’arpèges impressionnistes esquissant le décor de quelque « Île joyeuse » tandis que s’ébattent, dans le sillage du navire, naïades et tritons. L’amitié avec Jascha Heifetz est à l’origine de plusieurs des nombreuses œuvres pour violon du compositeur italien, au nombre desquelles une sonate démonstrative dont le titre de Concerto n° 3 indique le caractère théâtral. Ici, les marines impressionnistes se souvenant du bonheur lumineux du Nocturne tournent court, l’atmosphère dramatique ponctuée d’octaves orageuses relatant le départ en exil forcé pour les États-Unis (1939), les adieux aux cyprès et aux collines de la chère Toscane conférant au Lento (« grave e triste ») un caractère émouvant, tandis que le turbulent finale pourrait s’intituler «Un Italien à New York » avec ses rumeurs de foule, ses profils heurtés de gratte-ciel et ses échos jazzy. Irrésistible également, la transcription pour violon et piano, par Heifetz, de l’euphorique mélodie Sea Murmurs, sous le signe de Neptune.

En première mondiale, des transcriptions de Préludes de Chopin et des Intermezzos op.117 de Brahms attestent l’aisance d’un compositeur significatif, à défaut d’être un « grand ». Le brio et l’élégance de l’interprétation savent nous en convaincre.