Clément Lefebvre cisèle les notes, sculpte les respirations, et Ravel renaît sous un jour nouveau.

Maurice Ravel (1875-1937)
Sonatine. Menuet sur le nom de Haydn. Valses nobles et sentimentales. Menuet antique. Pavane pour une infante défunte. Le Tombeau de Couperin
Clément Lefebvre (piano)
Evidence EVCD083. 2021. 1 h 05

En 2018, on découvrait un jeune pianiste connu des seuls spécialistes, qui signait, pour le même éditeur, un superbe disque consacré à Couperin et Rameau. À l’époque, il s’était déjà fait remarquer en remportant le premier prix et le prix du public au Concours Mottram de Manchester. Incontestablement, on avait affaire à une vraie personnalité.

Trois ans plus tard, le revoici, après avoir été entre-temps lauréat du Long-Thibaud 2019, avec un programme tout Ravel. On pense aussitôt qu’il semble mettre ses pas dans ceux de Marcelle Meyer et Alexandre Tharaud, qui ont excellemment illustré ce répertoire. Le résultat est pourtant fort personnel. Ce jeune surdoué du piano ose des choses que l’on avait oubliées depuis longtemps. Non des infidélités au texte mais de petites initiatives dans la gestion de la respiration. On peut ainsi noter, dès le premier mouvement de la Sonatine, de minuscules césures qui permettent d’en animer le classicisme rigoureux. Un travail très fin sur les couleurs et les sonorités opposées donne à chacune des Valses nobles et sentimentales une existence propre.

La Pavane pour une Infante défunte est jouée sans lenteur ni chichis mais avec un profond sens de la courbe mélodique. Le Menuet antique, pris dans un tempo allant, évite un éventuel penchant fin de siècle, l’impression qui ressort est celle d’un esprit classique retrouvé, d’une écriture claire.

On reconnaîtra ce même caractère dans le petit Menuet sur le nom de Haydn où, en moins de deux minutes, Clément Lefebvre nous montre comment opérer la synthèse de l’esprit viennois et du modernisme français. Toutefois, c’est peut-être dans Le Tombeau de Couperin qu’il est à son meilleur. Le discours est net et précis, avec un Prélude un peu sec qui ne renie pas les vieux maîtres clavecinistes, mais surtout les danses sont vivantes et pleines de rebonds, et la Toccata finale d’une vitalité étourdissante, qui dénote un très haut niveau technique.

Un nom à retenir et un artiste à suivre de près !