Au-delà du mythe
C’est, paradoxalement, «l’étrangeté de sa voix » qui a participé à sa notoriété, désormais entretenue par le disque.
Participé mais pas assuré car, dès ses débuts scéniques à 15 ans, dans le rôle de Santuzza de Cavalleria rusticana à Athènes, « le vilain petit canard gauche et pataud se révèle […] doté d’un charisme qu’on ne lui aurait jamais soupçonné ».
Trois ans plus tard, en 1942, elle chante sa première Tosca, toujours en Grèce et «saisit l’auditoire par la force et la justesse de ses intentions ». Dès lors, la jeune Maria Callas, travailleuse obstinée depuis l’enfance, « scrupuleuse jusqu’à l’acharnement», ne cessera de s’éprouver pour se surpasser, pour conquérir les plus grandes scènes, sûre de sa valeur.
Mais le succès se fera attendre, après des mésaventures américaines. La Gioconda à Vérone en 1947 et Norma à Florence l’année suivante lui ouvrent enfin les portes de La Scala de Milan, d’abord comme remplaçante de Renata Tebaldi dans Aïda en 1950, puis comme vedette au rayonnement planétaire. L’artiste ne se ménagera pas, enchaînant parfois cinq productions par saison.
À travers un récit chronologique soigneusement documenté (les années grecques durant la Seconde Guerre mondiale, par exemple), Jean-Jacques Groleau a le bon goût de s’attacher davantage au parcours de l’artiste qu’à la vie privée de la diva. Si l’auteur rappelle les qualités d’une artiste hors norme (« tragédienne unique », «hallucinante de présence») qui donnait la plénitude de ses moyens davantage sur scène que dans un studio, il ne masque pas ses « duretés dans les aigus », son « vibrato […] devenu envahissant», ni l’usure précoce d’un instrument mis à rude épreuve dès son plus jeune âge. Enthousiaste mais lucide, l’auteur invite à prolonger cette lecture stimulante par une bibliographie choisie.
