« Le temps est venu de sortir du culte aveugle et de regarder Gould pour ce qu’il a été : un grand pianiste du XXe siècle ; ni le meilleur ni le plus grand », prévient d’emblée Lionel Esparza qui, on l’aura compris, ne va pas s’agenouiller devant l’idole. Il ne cherche pas davantage à la déboulonner mais sobrement, avec le recul, à juger comment un pianiste qui fascina en son temps Oscar Peterson, Roland Barthes, Samuel Beckett et Aaron Copland peut être perçu aujourd’hui. « Les jeunes générations citent encore couramment Cortot, Schnabel, Rubinstein, Richter ou Argerich (voire le grand rival qu’il s’était choisi, Horowitz) » mais pas ou peu Glenn Gould (1932-1982). « Trop singulier, trop irrégulier et, disons-le, un peu daté. »
À travers un récit chronologique et fort bien documenté, Esparza appréhende les différentes facettes de l’artiste et de l’homme. Se dessine ainsi un portrait de ce « pur anticonformiste [qui] ne remettra jamais en question la morale puritaine de ses parents », qui « rejettera toujours les émotions trop démonstratives, la nourriture trop abondante ou trop relevée, la sensualité, et tout ce qui en art relève du spectaculaire gratuit » et qui, dès l’adolescence, se révèle « déjà maniaque, obsessionnel, hypocondriaque ». L’auteur s’attache par ailleurs à prendre de la hauteur et à replacer Glenn Gould dans son temps, celui des « révolutions parallèles », menées par Pierre Boulez et Gustav Leonhardt « dans un même idéal spiritualiste ». Le regard affûté et la plume alerte, il débarrasse le pianiste de sa légende pour mieux approcher ce « moine artiste égaré dans les temps modernes ».

En avant la musique ! Glenn Gould
Lionel Esparza
Éditions des Équateurs – Radio France
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