La folie des non-fungible tokens, certifiant l’authenticité d’un objet virtuel, se propage à la vitesse grand V dans le milieu de l’art. Mozart a été récemment atteint. C’est grave, docteur ?
Depuis la vente à 69 millions de dollars de l’œuvre de Beeple en mars dernier, les NFT – ces jetons non fongibles qui garantissent authenticité et unicité – liés à l’art ont proliféré. Bulle ? Pas si simple. Blockchain et cryptoactifs pourraient bientôt investir la musique classique. Une prévision phare de 2022 ?
Usuels pour certaines musiques, les NFT ont déjà fait une incursion dans le classique. Les Autrichiens, de tout temps pionniers artistiques, sont déjà sur le coup avec les « Mozart Beats » qui proposent des œuvres où le collectionneur (de NFT) se mue en compositeur et choisit ses pistes pour créer l’enregistrement qu’il peut ensuite acquérir, choisissant ironiquement l’ultratraditionnel Quatuor à cordes comme fer de lance.
D’autres modalités plus mercantiles des NFT ont vu le jour dans le classique. L’Orchestre de Dallas vend sur Rarible, en monnaie Ethereum, la commémoration d’un concert. À la création du concerto pour violon Shrink de Nico Muhly par le Norwegian Chamber Orchestra, les spectateurs se sont vu remettre un NFT (sur, tenez-vous bien, la « preuve de participation Polygon sidechain Ethereum ») avec pochette d’album numérique dédicacée, billet et réduction sur l’album physique.

Les NFT classiques pourraient donc bien être la surprise de 2022. Comprenons-en bien les avantages et les inconvénients. J’en pointerais trois. D’abord, ils pourraient offrir enfin un modèle d’affaires viable pour le classique, sauvant les artistes des conditions parfois abusives des plates-formes et grands intermédiaires dans la gestion des royalties et des marges.
L’Ethereum mundi
Cependant, il ne vous aura pas échappé que leur prix est spécifié en Ethereum et autres Bitcoins plutôt qu’en bons vieux euros, soulevant la question du cryptoactif utilisé comme monnaie d’échange. Cette substitution monétaire insidieuse n’est pas consubstantielle aux NFT. Le jour proche où nos banques centrales émettront des euros ou des dollars digitaux, nous pourrons nous procurer des NFT en euros sonnants, sans prendre les risques inutiles liés à la variation de valeur, souvent spéculative, de ces cryptos. Patience, donc !
Enfin, les NFT peuvent intégrer le processus créateur, ouvrant la voie à un médium nouveau et innovant de création, de composition post permutation musicale générative, ou d’expérience cryptomusicale. De là à y voir une transcendance disruptive de la dichotomie traditionnelle entre l’enregistrement et la scène…