La modernité à l’œuvre
La liste des invités donne le vertige : Ansermet, Fricsay, Markevitch, Monteux, Munch, Stravinsky, Walter, des orchestres et solistes de prestige, de Anda à Szigeti.
Ce beau monde se croisa à Paris, du 30 avril au 1er juin 1952, essentiellement au Théâtre et à la Comédie des Champs-Élysées, lors du festival L’Œuvre du xxe siècle organisé par le compositeur Nicolas Nabokov, avec le soutien du Congrès pour la liberté de la culture, organisation anticommuniste.
Une cinquantaine de rendez-vous (concerts symphoniques, musique de chambre, opéras, ballets, conférences) proposa un large panorama du xxe siècle et les créations françaises de Wozzeck de Berg sous la direction de Böhm et de Billy Budd de Britten par son auteur. Une vingtaine de photos de Sabine Weiss et de précieuses archives ravivent le souvenir de cet événement méconnu.
Philippe Venturini
➔ Festival de L’Œuvre du xxe siècle, Vincent Giroud,
Chroniques du théâtre des Champs-Élysées,
60 p., 10 €.

L’imaginaire en mouvement
Son maître Maurice Ohana ne s’y est pas trompé, qui lui prédit : « Toi tu seras un jour à l’Institut ». Première femme élue à l’Académie des Beaux-Arts en 2005, Édith Canat de Chizy n’est pas du genre à se laisser griser par les honneurs : le questionnement, le doute (« j’écris trop simple », se reproche-t-elle souvent) nourrissent son intranquillité. Suivons-là à travers les dédales de l’Ircam, sous les ors de la coupole et dans les recoins de son atelier en compagnie de la musicologue Michèle Tosi. Les nombreux exemples musicaux, habilement contextualisés, joints à la forme du dialogue entrent en connivence avec le lecteur, lequel est invité à saisir la trajectoire d’une des créatrices majeures de notre temps. Elle s’exprime sur ses maîtres (Ohana et Ivo Malec), son rapport à la poésie (de Jean de la Croix à Char), à la peinture (Turner, Nicolas de Staël) ; à la nature surtout. D’où son sens du mouvement : « Je crois que je serais incapable d’écrire une pièce lente. Ma référence est la mer, le ressac… » Si elle n’a pas renoncé à sa démarche intuitive, au crayon et à la gomme, Édith Canat de Chizy a choisi d’étoffer sa poétique avec les quarts de ton et l’électronique ; de quoi étendre l’empire de l’imaginaire…
Jérémie Bigorie
➔ La Loi de l’imaginaire, Entretiens avec Michèle Tosi,
Édith Canat de Chizy, Éditions Aedam Musicae,
208 p., 20 €.