L’Ancien complice de Desproges, prix Femina pour « Où on va, papa ? », fait parler les animaux dans son dernier opus. Où l’on apprend que Wagner est le musicien préféré de l’hippopotame, que les truites ont un faible pour Schubert et que les vaches ne jurent que par l’accordéon.
Quelle fut votre première émotion musicale ?
La Quarantième de Mozart. C’était au cinéma d’Arras. J’étais allé voir Le Grand Caruso avec ma mère, et quand le fameux thème a surgi j’ai eu la chair de poule. Depuis lors, j’ai dépensé tout mon argent de poche pour acheter des disques qu’on écoutait avant dans des cabines.
Et la plus récente ?
Je n’ai pas d’émotion récente dont je me souvienne. Mais je sais que Mozart me rend toujours le sourire alors qu’Edgard Varèse me fait fuir.
Quelle place occupe la musique dans votre vie ?
Elle m’aide à sortir du monde bruyant pour accéder à la beauté. Pour moi, Schubert est un bienfaiteur de l’huma-nité au même titre que Pasteur. Et il est accessible à volonté, contrairement au plombier qui se fait toujours attendre.
Jouez-vous ou avez-vous joué d’un instrument ? Si non, de quel instrument aimeriez-vous jouer ?
J’ai joué du piano, comme ma mère. Les airs que j’entendais à la radio. C’était un Kriegelstein. J’ai aussi joué de l’orgue à l’église. Sans connaître les notes, je reproduisais des bribes de la Toccata en ré mineur de Bach et le début de la Symphonie « Inachevée ». L’orgue, ça en met plein la vue.
Comment avez-vous découvert la musique classique ?
Au début, j’étais plutôt jazz. À 10 ans, j’ai entendu ma mère jouer la célèbre valse de Brahms et je me suis dit : « Pas si mal que ça. »

À quoi tu penses ?
Jean-Louis Fournier,
Éditions Philippe Rey,
240 p., 19 €.
Quels sont vos compositeurs préférés ?
Mozart, comme tout le monde. Bach pour l’équilibre, Mozart pour la grâce et Beethoven pour la folie. Quand j’étais enfant, Beethoven était l’un de mes dieux. J’ai fait un dessin de sa tête que j’ai accroché dans ma chambre.
Quels sont les compositeurs qui ne vous attirent pas ?
Il y en a plein. Bruckner par exemple. Sa tête ne me revient pas et je la vois quand je l’entends. Ça me dérange. Je ne suis pas fou de Berlioz non plus.
Quelle est l’œuvre que vous placez au-dessus de tout ?
Les Variations Goldberg de Bach. C’est bien mieux que le Prozac et c’est sans effets secondaires. J’ai lu que Lang Lang a dit que cette œuvre lui avait enseigné la patience. Pas mal.
Quel(s) est (sont) votre (vos) interprète(s) de musique favori(s) ? Pourquoi ?
Seulement des vieux ! Kempff, Stern, Arrau… Pour la Quarantième de Mozart, je ne veux que Bruno Walter.
Quel est votre opéra préféré ?
Così fan tutte.
Dans votre famille, qui vous a initié à la musique ?
Ma mère surtout. Mon père était médecin et jouait vaguement du violon. Un stradivarius, disait-il avec fierté. Quand il est mort d’alcoolisme, à 43 ans, on a voulu le faire expertiser, mais c’était un vulgaire violon à trois sous. Il s’était bien fichu de nous.
Vous écrivez un livret d’opéra. Quel compositeur (mort ou vivant) pour le mettre en musique ?
Wolfgang, s’il est libre. Je lui ai déjà demandé mais il ne me répond pas. Je crois qu’il est très pris.
Avez-vous rencontré des musiciens ? Que vous ont-ils apporté ?
J’ai filmé Thelonious Monk et Stéphane Grappelli. Leurs mains m’ont fasciné. Elles sont comme les miennes, mais elles font des miracles. J’aurais bien aimé filmer celles de Rudolf Serkin, tiens.
Quels sont les trois disques que vous emporteriez sur une île déserte ?
Les Variations Goldberg, les sonates de Beethoven et le Requiem de Mozart.
Qui pour jouer à vos funérailles ?
À 13 ans, j’ai écrit mes dernières volontés. Ma mère n’a pas apprécié. Je demandais l’Ouverture tragique de Brahms par Toscanini et le Requiem de Mozart par Bruno Walter. Je ne voulais pas d’un disque, je demandais qu’on fasse venir l’Orchestre de la NBC et le Philhar-monique de Vienne dans l’église. Je m’étais renseigné auprès des hôtels pour loger tous les musiciens.
Quelle définition pour la musique ?
Un chant qui est en nous et qu’on ne sait pas exprimer, jusqu’au moment où un type arrive et le fait pour nous.
Quelle musique pour être joyeux ?
Offenbach.
Quelle musique pour entrer au plus profond de sa tristesse ?
L’Adagio en si mineur de Mozart par Claudio Arrau.
Quelle musique pour tout remettre en place dans sa tête et dans son cœur ?
Bach. Tout Bach ! Il a une telle énergie ! Ça donne envie de marcher, de courir, et pas de fumer.
Quelle musique pour célébrer Dieu ?
Je suis en froid avec lui. Alors pas très envie de le célébrer.
Comment pourriez-vous définir l’effet de la musique sur la sensibilité humaine ?
La musique transforme la cacophonie en ordre. Par conséquent, elle organise le désordre du monde et nous apporte l’harmonie.
Quel est l’écrivain qui vous semble le plus musical ?
Proust. La poésie aussi. Verlaine.
Quel est le peintre dont vous entendez la musique ?
Turner. J’entends du Debussy. Et ça me rappelle que je suis né à Calais.
Quel est le bâtiment ou monument qui pourrait selon vous correspondre à l’expression de Goethe, « musique pétrifiée » ?
La cathédrale d’Amiens. Celle de Beauvais aussi.
Quel est le lieu naturel qui vous semble comme une symphonie ?
Les falaises d’Étretat.
Qu’entendez-vous dans le silence ?
Mes angoisses qui grignotent mon cerveau.
Quelle musique pour accompagner votre mort ?
Le french cancan d’Orphée aux enfers.
Quel compositeur pour ressusciter les morts ?
Wagner.
Quelle œuvre pour célébrer la vie ?
Du Corelli, du Vivaldi.
Avec qui partager vos musiques préférées ?
Avec la plus belle femme du monde qui aimerait bien la musique.