Et par trois fois ! Ce début d’année nous gâte avec l’hommage de Niculescu, un Shai Maestro d’exception et Stellio dans les étoiles.

Il y a trente ans, la Roumanie procura à la France un violoniste de 23 ans hors pair, Florin Niculescu (photo), qui rapidement fut partenaire de Babik Reinhardt, Christian Escoudé et Biréli Lagrène, icônes de ce style appelé de façon simpliste « manouche ». Passé la cinquantaine, en cadeau de retour, il rend ici hommage à cette école française du violon jazz qui fut la meilleure du monde, les musiciens marquants comme Stuff Smith, Svend Asmussen (mort à 101 ans) ou Regina Carter étant des individualités, non des créateurs d’école. Le souvenir de Stéphane Grappelli, Jean-Luc Ponty, Didier Lockwood et du méconnu Michel Warlop (son Septuor à cordes, en particulier, mérite d’être réécouté) hante cet album éblouissant où l’archet magistral de Florin Niculescu transfigure les onze plages qui composent ce disque. La guitare inspirée de Hugo Lippi, la basse souple et inébranlable de Philippe Aerts, la batterie si musicale et pertinente de Bruno Ziarelli sont à l’unisson du violoniste pour créer une musique qui, au-delà de sa source, est indiscutablement universelle et peut charmer le monde entier. Comme en outre le grand guitariste Stochelo Rosenberg, qui est de la fête sur trois morceaux, nul ne saurait ici passer son tour (Florin Niculescu. « Le Temps des violons ». Label Ouest/L’Autre Distribution. 44’. 3560530404824. CHOC). On découvrit le pianiste israélien Shai Maestro dans le groupe d’Avishai Cohen. Après cinq albums depuis 2012, tous remarqués, le sixième (le deuxième chez ECM) marque une différence notable : il ne se limite pas ici à son trio habituel mais invite le trompettiste Philip Dizack. On retrouve avec bonheur le lyrisme intense du pianiste, sa capacité à déjouer l’attente de la mesure suivante grâce à son imagination imprévisible et sa grande liberté maîtrisée d’improvisation, mais la vivacité et l’éclat mesuré de la trompette ajoutent incontestablement à la richesse de son univers musical. Proposant dix compositions originales, dont un émouvant Hank and Charlie en hommage à Hank Jones et Charlie Haden, et une relecture de In a Sentimental Mood de Duke Ellington, cet album est une belle image de cette modernité assurée, créatrice de nouveaux univers musicaux, mais qui pourtant n’oublie rien (Shai Maestro. « Human ». ECM/ Universal. 55’. CHOC).

Il était temps que l’on permette d’entendre à nouveau le clarinettiste martiniquais Alexandre Stellio, « l’Étoile de la musique créole ». En quatre CD et 83 plages (dont une interview de Gaston Monnerville), Stellio, qui ignorait tout du solfège et de l’harmonie, qui ne connaissait pas la tablature de son instrument, démontre qu’il savait interpréter la biguine et la mazurka par la puissance de ses lèvres sur des anches dures, et permit la propagation du répertoire de cette musique traditionnelle tant en Europe qu’en Afrique, et bien entendu dans la Caraïbe (« Stellio. L’Étoile de la musique créole. 1932-1938 ». Frémeaux/Socadisc. 4 h 23. 4 CD. 3561302576626. CHOC).