Le président du Centre national de la musique évoque le devenir de l’opéra.

Vous publiez L’Opéra, s’il vous plaît où, tout en brossant votre parcours, vous dressez un «plaidoyer pour l’art lyrique». L’opéra serait-il en danger ?

Ce livre est né d’une passion et d’une inquiétude. Le lyrique est ma passion, matin, midi et soir. Mais je suis inquiet car tous les clignotants sont au rouge. Les coûts montent, les subventions stagnent ou baissent, il faut trouver de nouvelles idées ; l’augmentation du prix des billets a une élasticité limitée, et le mécénat, source importante de revenus pour les grandes maisons internationales, ne peut être le seul horizon de survie. En clair, on va dans le mur.

Mais, hors temps de crise, les salles d’opéra sont pleines !

Elles ne sont pas toujours pleines. Regardez le Met, même avec ses stars. Et si elles sont remplies de quinquas ou plus, ce n’est pas satisfaisant. La question est de faire venir à l’opéra la génération Z, celle qui trouve que l’expérience proposée dans les maisons d’opéra n’est pas suffisamment originale pour nouer une fidélité. Le coût n’est pas le principal obstacle – une première catégorie d’un match PSG/Clermont-Ferrand a atteint 1 770 euros ! Il s’agit de dépasser les barrières que le genre comporte, ouvrir les maisons à des programmations mixtes, par exemple, faire venir des artistes étrangers au monde lyrique – souvenez-vous de Clément Cogitore avec Les Indes galantes : quels fantastiques catalyseurs ! Trouver une voie esthétique adaptée, prendre garde aux mises en scène à obstacles et aux spectacles ringards.

Vous citez l’économiste William Baumol et sa formule de «maladie des coûts croissants», propre au spectacle vivant : comment y remédier ?

D’abord convaincre les pouvoirs publics qu’il faut investir dans l’opéra, que ce soit en région ou à Paris. Baisser la subvention, c’est la mort. Deuxièmement, pousser plus loin la politique de contrôle des coûts, en organisant plus de tournées, de coproductions, et avoir une politique plus réfléchie des reprises. Et puis faire preuve d’imagination ! On n’est pas allé au bout de tout ce qu’un théâtre lyrique peut offrir…

Jean-Philippe Thielay
L’opéra s’il vous plaît
Les Belles Lettres (2021)