Les idées en cascade, le geste précis et généreux, la compositrice charme et enchante 14 plages de pur délice. 

Il y a du Liszt, du Fauré et même du Chabrier dans la large palette créative, très équilibrée et vivante, de la compositrice américaine. Sa vigueur de plume et sa maîtrise complète du métier s’associent à une joie de vivre très naturelle et un véritable sens de l’enchantement. Née Cheney, enfant prodige issue d’une famille aisée, elle est encouragée à écrire par son chirurgien d’époux Harris Beach, de vingt-cinq ans son aîné. Pour piano à quatre mains ou à deux claviers, ce programme est joué par un couple d’interprètes enthousiastes, en parfaite osmose dans leur musicalité.

Les Variations sur des thèmes balkaniques pour deux pianos (1904) témoignent un intérêt pour les sources populaires et une aptitude romantique à leur insuffler de la grandeur, de la fatalité, ou au contraire un sémillant scherzando.

Les Trois pièces à quatre mains (1883) sont l’œuvre d’une jeune fille de 16 ans, déjà en possession de grands moyens et pleine d’entrain et de poésie ; Chabrier n’aurait pas désavoué la fausse simplicité de ces formes brèves.

Pimpante et espiègle

La Suite pour deux pianos sur des thèmes irlandais, publiée en 1924, comporte quatre mouvements comme une sonate et s’abreuve à la même source folklorique qu’à la Symphonie Gaëlique de la compositrice. Elle fut la première symphonie d’une Américaine créée par un orchestre de renom, à Boston, en 1896. Les claviers sont exploités dans toute leur profondeur et leur puissance, mettant en valeur avec autorité des mélodies émouvantes ou rythmées, savamment dramatisées, enrichies de contrepoints ou plongées dans les trilles. Le deuxième mouvement, Danse de paysans est en fait une marche mystérieuse de kobolds, et le troisième, L’Ancienne Cabane, un andante plein de mystère ou d’accords impérieux, ceux des méditations lisztiennes.

Une suite de petites pièces à quatre mains intitulée Summer Dreams, publiée en 1901, conclut ce disque. Chacune porte en exergue un court poème de Shakespeare, de Walt Whitman ou d’autres, et d’Amy elle-même. Ces petits morceaux, pimpants ou rêveurs, célèbrent les oiseaux moqueurs et les fées espiègles, dans un esprit fin de siècle fauréen.