Parmi le large choix de récitals offert aux mélomanes, les pianistes Arcadi Volodos, Philippe Giusiano, Marc Laforêt ou Dang Thai Son ont marqué chacun à leur manière cette 43e édition du Festival de La Roque d’Anthéron.

Festival La Roque d’Anthéron Arcadi Volodos © Valentine Chauvin
Alchimiste des sons, Arcadi Volodos débute par douze extraits de la Música callada de Mompou, une expérience qui impose d’emblée au public une concentration aux limites du silence. Il sait envoûter son auditoire en distillant avec un art consommé toutes les saveurs du clavier tant au niveau du timbre que de la résonance. La Ballade n°2 de Liszt qui suit, d’un seul souffle et d’une progression conquérante, s’appuie sur des basses à se damner. La seconde partie uniquement consacrée à Scriabine offre un fil tendu jusqu’au paroxysme (Sonate n°10 et Vers la flamme), tandis que l’onirisme (Poème op.71 n° 2 « En rêvant ») le dispute à la poésie. Les quatre bis restent fidèles à la profondeur défendue tout au long de ce concert sublime avec Une Mazurka de Scriabine, Impressions intimes et Paysage n° 2 « Le Lac » de Mompou. Seule la Suite andalouse n° 6 du Cubain Ernesto Lecuona fait une concession toute relative à l’extériorisation.
Dans le cadre plus modeste du Centre Marcel Pagnol, Philippe Giusiano propose un parcours monothématique dans cette journée consacrée à Chopin. Ce Second Prix du Concours International de Varsovie en 1995 n’a rien perdu de ses qualités de styliste (4 Mazurkas op.17). Même sensation de perfection un rien contrôlée dans la Ballade n° 4 et les 24 Préludes conduits avec une autorité qui laisse toutefois passer le respect de la tradition avant la fantaisie enivrante.

Marc Laforet © Valentine Chauvin
Autre défenseur de Chopin
Autre défenseur de Chopin, Marc Laforêt, Médaille d’argent à Varsovie en 1985, témoigne, devant une salle comble, de son imprégnation de l’œuvre du Polonais. L’Andante spianato et Grande Polonaise brillante comme la Ballade n° 1 et le Scherzo n° 2 manifestent un engagement de tous les instants avec un déploiement de moyens stupéfiants. Le déchaînement virtuose des arpèges et des gammes n’oublient jamais les secrets d’une palette à large spectre. Les deux Nocturnes op.9 n° 2 et op.48 n° 1 tiennent du rêve éveillé tandis que les deux Valses choisies possèdent une densité sans aucune surcharge. On aimerait entendre plus souvent dans l’Hexagone cet artiste accompli qui mène une formidable carrière à l’étranger.
Le pianiste vietnamien Dang Thai Son, victorieux à Varsovie en 1980, détient tous les secrets du rubato avec une remarquable économie de moyens. Son programme commence par un hommage à la musique française qui lui tient particulièrement à cœur : le Nocturne op.33 n°1 et la Barcarolle n° 1 de Fauré deviennent de purs moments d’intimisme. Patte féline et sentiment de sérénité s’imposent dans cette exécution raffinée où le poids des marteaux semble aboli. Les deux Arabesques et les deux Livres d’Images de Debussy portent la marque d’un art quintessencié d’une fluidité arachnéenne (Mouvement, Poissons d’or) malgré la gêne que pourrait occasionner au soliste une blessure à l’auriculaire droit qui l’a contraint à repenser ses doigtés. Après l’entracte, Chopin est au menu avec des pièces rarement jouées (Trois Ecossaises ludiques, la Tarentelle savamment articulée), une trilogie de Valses à l’élégance rythmique jamais appuyée, 4 Mazurkas op.24 en apnée puis la Polonaise « Héroïque » plus évocatrice qu’affirmée. Pour conclure, une dernière Mazurka nostalgique qui se diffuse dans la chaleur de la nuit du Parc de Florans.
Pour plus d’informations
Festival International de piano de La Roque d’Anthéron, Parc du Château de Florans, Auditorium du Centre Marcel Pagnol, du 10 au 12 août.
Site du festival : www.festival-piano.com