Il y a des Flûte enchantée empreintes de grandeur, d’épaisseur, jusqu’à la paralysie, et d’autres plus inventives, ou tirées par les cheveux : La Flûte à Los Angeles, à la Guerre 14, à l’hôtel, pas toujours justifiables. L’Opéra du Rhin en a proposé une délicieuse, aérienne, poétique et drôle, laissant de côté le poids des savoirs entassés, le maçonnique entre autres, pour nous renvoyer à l’esprit de la création viennoise, populaire, vivante. L’univers de Johanny Bert, entre ses marionnettes poétiques (le serpent ruban proprement magique), ou plus inquiétantes (le vieillard Sarastro, virant à la dictature) et son théâtre dans le théâtre, nu d’abord sous un jeu d’ombres et de lumières subtil (David Debrinay), plus construit à l’acte II, est merveilleusement animé d’une fraîcheur bienvenue. Personnages bien dessinés (cette Reine névrosée, ces ministres aux ordres), livret réécrit (Pamina est explicitement l’enjeu, par lutte de pouvoir interposée, d’une rivalité entre père et mère divorcés) qui force un peu le texte, contrairement à Andreas Spering, qui pousse cependant le style du sien vers le début du romantisme, jusqu’à faire pressentir Beethoven, tout contribue à un allant communicatif, un partage même, plutôt qu’à une leçon de grandeur. On respire !

Crédit photos : Klara Beck
La distribution s’unifie dans une recherche d’un même style authentique, plus que de brillant individuel, mais n’en est pas moins remarquable : Reine parfaite de Svetlana Moskalenko, Pamina délicate de Lenneke Ruiten, Tamino généreux d’Eric Ferring, double de Sarastro au grave somptueux de Nicolai Elsberg (à suivre impérativement), Papagena d’Elisabeth Boudreault pétillante, et Papageno de Huw Montague Rendall merveilleux de complicité. Troupe excellente, chœurs tout autant. Une vraie fête.
Strasbourg, Opéra du Rhin, le 8 décembre