À la demande des Tana, Philip Glass adapte sa partition du Roi Lear en un neuvième quatuor. Une collaboration royale.

Philip GLASS
(né en 1937)
Quatuors nos 8 et 9
Quatuor Tana
Soond SND22020. 2021. 44 min
« Je sais écrire pour quatuor à cordes. J’adore son ampleur d’émotion », confiait Philip Glass au moment d’entamer la partition du Roi Lear pour Broadway. Affinant cette musique de scène et la condensant d’une heure à vingt-huit minutes, le compositeur new-yorkais en a fait son Quatuor n° 9, stimulé par son excellente entente avec les Tana, à l’initiative de cette commande.
On ne peut que se réjouir de cette fructueuse collaboration entre un artiste à la reconnaissance planétaire et ce remarquable quatuor français défenseur de la musique actuelle, aussi à l’aise avec les œuvres de Jacques Lenot que celles de Steve Reich. Pour écrire sur la pièce de Shakespeare la plus radicale, Glass s’est plongé dans le contexte de sa création, lors du règne de Jacques Ier et de la conspiration des poudres. Ainsi prirent forme les cinq mouvements de ce King Lear qui officialisent une nouvelle fois l’évolution du compositeur du minimalisme vers un classicisme très fluide. Règne ici une mélancolie ondoyante parfois troublée par les zébrures du violoncelle exprimant les dérèglements du roi déchu. Les thèmes sont exposés successivement sans être développés, baignant les oscillations harmoniques minimalistes d’une nostalgie qui ne s’épanche pas.
Le compositeur a beau préciser vouloir « imaginer comment cela aurait été de voir cette pièce en 1606 », plutôt qu’une musique shakespearienne on entend avant tout l’essence de son univers poétique, dans une veine encore plus intériorisée. Le Quatuor n° 8, annonçant ce neuvième, est tout aussi excellemment interprété par les Tana qui savent avec finesse exprimer les moindres nuances et variations du continuum glassien. La prise de son moelleuse mais sans fioritures est à l’image de ce disque, séduisant par sa sobriété.