Presque dix ans après la somptueuse intégrale « néoclassique » de Jean-Baptiste Robin (Brilliant Classics, 2011), Thomas Monnet nous propose une relecture symphonique des grandes œuvres de Jehan Alain, dont l’année 2020 a marqué le quatre-vingtième anniversaire de la disparition. Le propos est assumé : nous faire sentir, au-delà du mythe de la jeunesse flamboyante, toute la grave profondeur de l’œuvre d’Alain. Cette dernière, tourmentée et inquiète, trouve un supplément de mystère grâce aux timbres ronds et percutants du grand orgue Cavaillé-Coll de Notre-Dame d’Auteuil, l’un des plus beaux du genre.

Là où Robin explorait en compositeur virtuose toute la spontanéité rhapsodique d’une œuvre presque improvisée, Monnet livre peut-être l’une des premières approches « historiquement informées » de pages composées alors qu’Alain était encore élève de Dupré, et soumis à sa rude discipline, ou venait de quitter sa classe. Pas de foucade juvénile mais, au contraire, une lecture mûre et souveraine qui impose avec une grande autorité le Choral de la Suite, décuple l’effroi lugubre dont Deuils est capable et déroule avec intériorité le chant de l’Aria. Rien de rigide cependant : les Variations de la Suite, au rubato souple et maîtrisé avec sa registration fouillée et grasse, sont un modèle. Si Joies et Luttes accusent un caractère pesant, elles n’en demeurent pas moins deux belles pages aux accents péremptoires et glorieux.

JEHAN ALAIN
(1911-1940)
« Le Grand Rythme de la vie »
Suite. Trois Danses. Préludes
profanes. Aria. Petite pièce
Thomas Monnet (orgue)
Hortus 180. 2019. 1h