Le duo Berlinskaya-Ancelle célèbre ses 10 bougies avec un album festif réunissant Gershwin et Tsfasman. Quel swing !

Après « Belle Époque » (Classica n°207), « Russian Last Romantics » (Classica n°216) et « B Like Britain », tous trois enregistrés en 2018 pour Melodiya, Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle se lancent, d’un pas allègre, dans un programme qui réunit les principes d’un art européen et l’esprit téméraire du nouveau monde. Le formidable duo franco-russe, familier des projets originaux, visite ainsi un univers fascinant entre jazz et classique où cohabitent nostalgie et humour, mélodies entraînantes et harmonies scintillantes avec un sens de l’architecture et de l’élégance propres à ces deux compositeurs. Si George Gershwin (1898-1937) n’a pas besoin d’être présenté, Alexander Tsfasman (1906-1971) reste méconnu. Né en Ukraine, formé au conservatoire de Moscou, brillant pianiste, il fut le premier interprète de Rhapsody in Blue en URSS et y enregistra le premier disque de jazz rappelle le texte de présentation.
Aussi virtuose que rigoureux, le jeu de Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle dispose des qualités indispensables (équilibre des textures, maîtrise rythmique, précision) pour s’aventurer dans un répertoire qui exige aussi le panache, l’insouciance et l’audace. Les Trois Préludes de Gershwin oscillent alors entre la rêverie vagabonde de l’Andante con moto et la délicieuse frénésie du Prélude n° 3, ses rythmes verticaux ne bridant guère une humeur malicieuse. The Man I Love et les quatre Songs se montrent tout aussi aboutis et expressifs.
La mise en lumière des œuvres de Tsfasman participe grandement à la réussite de ce disque. Sans vouloir tracer des parallèles entre les deux compositeurs, le duo Berlinskaïa-Ancelle donne libre cours à sa riche imagination, évoquant brillamment l’orchestre dans l’irrésistible Suite de Jazz (le swing des Flocons de neige, la tendre mélancolie de la Valse lyrique) et la voix dans les quatre Songs arrangées par Arthur Ancelle. Un tour de force.