Vincent Dumestre et Le Poème Harmonique nous convient aux festivités et au faste de la cour de Louis XIV.
En 2004 le public découvrit et plébiscita aussitôt un Bourgeois gentilhomme dirigé par Vincent Dumestre et mis en scène par Benjamin Lazar. Ce merveilleux spectacle, aussi vif que spirituel, fut heureusement, et fort bien, capté pour faire l’objet d’un DVD édité par Alpha. Qui voulait un temps se soustraire au théâtre de Molière pour n’écouter que la musique de Lully devait s’en remettre à la télécommande de son lecteur pour faire sa sélection. Ou s’orienter vers les versions de Gustav Leonhardt (Deutsche Harmonia Mundi, 1973) et d’Hugo Reyne (Accord, 2001), enregistrée comme la présente à l’Opéra royal du château de Versailles, ou, pour la seule cérémonie turque, de Marc Minkowski (Erato, 1987) ou, pour des extraits, de Jérôme Correas (Glossa, 2015).
Cette nouvelle lecture, fruit d’un travail de studio et non d’une captation d’un spectacle, laisse pourtant percevoir un élan collectif et un incontestable esprit de troupe. Ils résultent probablement d’une minutieuse préparation menée sous la houlette d’un chef qui connaît la partition sur le bout des doigts et guide son équipe avec une souplesse de tous les instants. En attestent la majesté jamais gourmée de l’ouverture ou de la Chaconne des Scaramouches, Trivelins et Arlequin.
Des voix très typées et très distinctes, qui adoptent le français restitué, et la réactivité de l’orchestre permettent de caractériser chaque personnage et chaque épisode. Marc Mauillon ne craint pas de forcer la caricature du Vieux Bourgeois babillard quand David Tricou confie la mélancolie de l’Espagnol plaintif et Eva Zaïcik émeut dans « Je languis nuit et jour ». De la visite de « l’amoureux Empire » aux chansons à boire, de la cérémonie turque, plus ironique que grand-guignolesque, au Ballet des nations, cette musique dévoile sa richesse, sa verve, ses contrastes et ses couleurs sans se départir de son élégance ni de son entrain.

Jean-Baptiste
LULLY
(1632-1687)
Le Bourgeois gentilhomme
Le Poème Harmonique, dir. Vincent Dumestre
Château de Versailles Spectacles CVS053.
2021. 1 h 16 min
Entre sacré et profane
En 1660, dix ans avant la première du Bourgeois gentilhomme à Chambord, le jeune Louis XIV épousait, à Saint-Jean-de-Luz, sa cousine germaine Marie-Thérèse, scellant ainsi la réconciliation entre Habsbourg et Bourbon. Un tel événement convoqua bien évidemment la musique dont Vincent Dumestre présente un possible écho. S’il n’est pas permis d’en connaître précisément le programme, le disque « offre plutôt une sélection de musiques parmi toutes celles qui ont pu accompagner, de près ou de loin, les réjouissances autour de ce mariage ».
De l’appel solennel des trompettes, cornets, tambours et orgue (Lully) à l’entrain irrésistible d’un opéra de Juan Hidalgo (1614-1685), cette proposition évolue entre sacré et profane, latin, français, l’italien et espagnol, avec une étonnante aisance. La joie légèrement compassée mais l’expression généreuse du Jubilate Deo de Lully, le souffle impressionnant du Magnificat et le trouble vénéneux du « Lasciatemi morir » du Xerse de Cavalli, servis par une sonorité riche et des phrasés toujours au service du mot, font de cette leçon d’histoire une fête de la musique.

« Les Noces royales de Louis XIV »
Œuvres de Lully, Couperin, Veillot, Nivers, Rossi, Cavalli, Rosiers, Métru et Hidalgo
Chœur de la Compagnie
La Tempête,
Le Poème Harmonique,
dir. Vincent Dumestre
Château de Versailles Spectacles CVS066.
2021. 1 h 05 min