Peu répandue dans la première moitié du xviiie siècle, l’alliance des voix de ténor et de soprano est encore une nouveauté chez Haendel, la voix de castrat dominant son théâtre et celui d’Italie. Cependant, quelques exemples établissent déjà le topos du duo amoureux qui, de Gounod à Wagner, finira par dominer la scène lyrique européenne.

Le chant volontiers belcantiste de Juan Sancho semble à première vue éloigné du genre « ténor à l’anglaise » très populaire depuis les années 1960, mais l’intelligence dans la gestion des moyens et l’attention au texte font merveille. Dès le doux et rayonnant « Tra amplessi innocenti », la couleur solaire se fond parfaitement avec le soprano élégant de Núria Rial, dont la facilité dans l’aigu et le médium très structuré (« With Darkness Deep ») font redécouvrir quelques pépites du répertoire.

En solo, le ténor espagnol semble aussi à l’aise dans l’élégie (« Waft Her, Angels Through the Skies ») que dans les accents guerriers du « With Honour », où la couleur des trompettes à l’unisson des cordes est délectable.

Quelques tubes, le sublime « Eternal Source of Light Divine » dans lequel la soprano se joue des difficiles tenues dans l’aigu, et le célèbre « Happy, Happy We », où les artistes évitent l’écueil d’une alacrité mécanique. L’orchestre caractérise avec élégance les ritournelles dramatiques («Who Calls My Parting Soul») et les doux préludes, soutient en privilégiant davantage les couleurs moirées qu’un éclat de convention.

GEORG FRIEDRICH HAENDEL
(1685-1759)
« Human Love, Love Divine »
Núria Rial (soprano), Juan Sancho
(ténor), Capella Cracoviensis,
dir. Jan Tomasz Adamus
Deutsche Harmonia Mundi
19439781602. 2019. 1h13

Depuis bientôt vingt ans, Dorothee Mields poursuit une carrière remarquable dans le répertoire de la musique ancienne et butine avec enthousiasme vers différents ensembles pour réaliser au mieux ses projets discographiques. Elle propose ainsi un florilège abondant de cantates et airs auquel l’Ensemble Die Freitagsakademie apporte un fervent soutien, s’illustrant également dans quelques œuvres instrumentales. La voix, toujours aussi pure, sert admirablement la cantate Mi palpita il cor, que la soprano traite avec une distance parfois désopilante (les soupirs sur « palpita »), distance qui rafraîchit agréablement les conventions du genre dramatique. De même, l’air de Bacchus tourne au burlesque et l’ébriété finit par gagner tous ses partenaires ; c’est très réussi.

Médium pulpeux et attention au texte (belle maîtrise de l’anglais et de l’italien), Dorothee Mields apporte également une sensualité inédite aux trois airs allemands, et la cantate Vénus et Adonis fait valoir un continuo superlatif et des solos de hautbois de haut niveau. Remarqué dans d’éblouissants concertos de W.F. Bach (Carus, 2010), le claveciniste Sebastian Wienand maîtrise parfaitement son Harmonieux Forgeron où chaque variation est rehaussée d’ornementations virtuoses, fluides et maîtrisées. Le violon d’lia Korol brille dans la Sonate à trois et les bariolages du violoncelle (Concerto a quattro) illuminent un Largo sculpté avec art. Tous se réunissent pour une heure du thé chic et élégante

GEORG FRIEDRICH HAENDEL
(1685-1759)
« Handel’s Tea Time »
Dorothee Mields (soprano),
Die Freitagsakademie
Deutsche Harmonia Mundi
19439792732. 2020. 1h16