Interrompu par le décès en 1892 d’Ernest Guiraud, l’auteur des récitatifs de Carmen, l’achèvement du drame lyrique Frédégonde créé trois ans plus tard à l’Académie nationale de musique revint à son ami Saint-Saëns, pour les deux derniers actes, et à Paul Dukas, pour l’orchestration des trois premiers à partir de la trame initiale.
Le livret de Louis Gallet explore l’époque mérovingienne et décrit le triomphe de Frédégonde, épouse de Hilpéric, roi de Neustrie, sur la reine Brunhilda, devenue captive puis amoureuse de son geôlier Mérowig, le fils de Frédégonde issu d’un premier mariage, condamné à finir ses jours dans un monastère et qui préférera se suicider.
Ce qui pourrait être une partition hybride prend tout son sens dans cette version de concert présentée à l’Opéra de Tours et initiée par la Fondation du Palazzetto Bru Zane. Le chef Laurent Campellone, par son engagement et sa manière d’instiller une énergie dramatique à l’Orchestre symphonique Région Centre-Val de Loire Tours, donne une cohérence à l’ensemble, liant la richesse instrumentale de Dukas au savoir-faire de Saint-Saëns dont le sens mélodique fait florès.
Kate Aldrich incarne une Frédégonde de chair et de sang totalement investie et Angélique Boudeville une Brunhilda à la projection impressionnante mais qui devrait doser davantage son intonation. Dans le rôle de Hilpéric, Tassis Christoyannis impose un chant parfait dans tous les registres, conjuguant timbre lumineux et clarté de diction.

Angélique Boudeville chante Frédégonde
Crédit photo : Marie Pétry
Florian Laconi, en victime de la situation, se montre émouvant en Mérowig, tandis que l’évêque Prétextat de Jean-Fernand Setti, basse profonde, dégage une humanité lors de son plaidoyer pour l’acquittement de Mérowig. Le Chœur de l’Opéra de Tours complété par celui de l’Opéra national du Capitole de Toulouse, bien que placé en fond de plateau, témoigne d’une homogénéité constante au même titre que la Maîtrise du Conservatoire à Rayonnement Régional de Tours lors de sa brève et suggestive intervention au troisième acte. Une résurrection bienvenue !
Frédégonde de Saint-Saëns et Guiraud avec la collaboration de Paul Dukas