Nicola Benedetti signe une version personnelle du grand chef-d’œuvre d’Elgar, s’efforçant de dissiper les fumées fuligineuses de ses sombres ruminations et de son éloquente rhétorique. L’enregistrement du jeune Yehudi Menuhin sous la direction de l’auteur (Warner, 1932) sert d’étalon.

Dans l’exposition orchestrale, la noble retenue de Jurowski, soignant les détails, laisse attendre une réédition de ce miracle. Mais l’entrée de la soliste trompe notre attente à cause de son élan rythmique et de son panache : les rôles sont redistribués, et c’est bien elle qui mène le jeu ; l’orchestre, plus en retrait qu’il n’est coutume, suit et accompagne.

Le timbre riche de contrastes, entre l’enivrant vibrato des sections lyriques et le feu d’artifice des traits de virtuosité délivrés avec un éclat, une aisance et un naturel incomparables, permet de créer de captivantes oppositions, mais l’élévation et le sentiment font parfois cruellement défaut. Un peu hâtif, l’Andante ne manque pas de lyrisme ; débordant de jubilation, le finale est nettement plus réussi – l’occasion de déballer une époustouflante virtuosité.

En revanche, l’orchestre confirme son effacement. Les interjections des bois et des cuivres, ressorts indispensables des grands climax elgariens, sont malencontreusement noyées dans la masse. Le projet de battre en brèche la tradition du nobilmente ne manque pas d’originalité, mais il comporte des risques.

EDWARD ELGAR
(1857-1934)
Concerto pour violon. Sospiri.
Salut d’amour. Chanson de nuit
Nicola Benedetti (violon),
Peter Limonov (piano),
Orchestre philharmonique
de Londres, dir. Vladimir Jurowski
Decca 485 09492. 2019-2020. 58’