Attention, risque d’embouteillages.
À l’automne, une pluie de nouveautés discographiques va déferler sur le marché, conséquence de longs mois de confinement et de fermeture des salles durant lesquels de nombreux artistes, privés de concerts et plus libres de leur temps, ont abondamment enregistré. On guette ici un Mithridate de haut vol, là deux Pelléas concurrents, sans oublier une offre richissime en symphonique et en musique de chambre. Le label Alpha annonce une augmentation de 20 % de son volume.
« On est dans une espèce de bulle, de folie d’enregistrements, constate son directeur Didier Martin, tous les jours des propositions arrivent, et souvent d’excellentes. Tout le monde se bat pour exister. » Président d’Erato et Warner Classics, Alain Lanceron reconnaît lui aussi refuser de nombreux projets et s’inquiète d’un risque de saturation. Pourtant le marché discographique classique français a, toutes proportions gardées, plutôt bien résisté en 2020, réalisant 11,5 millions d’euros de chiffre d’affaires, contre 12,6 en 2019, soit une baisse d’environ 10 % dans un marché total plutôt stable. Certes on est loin des années 1990, où le classique représentait 8 à 10 % du marché discographique, quand il stagne aujourd’hui mollement autour des 2 %, mais les résultats auraient pu être autrement désastreux.

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De surcroît, la crise a eu des conséquences sur les habitudes des mélomanes : alors que la France demeure, aux côtés de l’Allemagne et du Japon et à l’inverse des pays anglo-saxons, fortement attachée au disque physique, le streaming et le téléchargement ont quasiment doublé dans l’Hexagone, passant de 19 % en 2019 à 36 % en 2020*. Néanmoins, ces évolutions dans les modes de consommation ne s’accompagnent pour l’instant pas d’une rémunération des labels et des artistes comparable à celle générée par les ventes en physique, ni à la hauteur des coûts engagés ! On n’oubliera pas enfin la montée en puissance de l’offre audiovisuelle gratuite émanant des salles de concert et des acteurs historiques.
Mais cette offre pléthorique cache mal des coulisses en grande souffrance. Combien de musiciens privés de tout ou partie de leurs revenus ? Combien d’artistes qui finissent de perdre espoir en une reprise qui se fait désirer ? Cette abondance de biens nuira-t-elle ou sera-t-elle le signe de l’espérance et du rebond ? Si la vie sans musique est assurément une erreur, la musique sans vie serait une hérésie insupportable !
* Selon les chiffres du Snep